L'écriture musicale, longtemps soumise aux canons de l'Eglise ou du pouvoir étatique se rationalise de plus en plus jusqu'au paroxysme de l'ère classique, qui allie rationalité musicale et politique. Des compositeurs tels Mozart s'évertuent à observer les règles strictes du contrepoint et de garder une rationalité tonale dans leurs œuvres. La fin du XVIIIe siècle voit la musique évoluer avec l'arrivée de Beethoven, un compositeur novateur et charnière. En effet, son œuvre est paradoxalement classique et romantique et elle augure un vent nouveau dans la création musicale. La Révolution Française, et les divers changements socio-politiques du début du XIXe offrent un terrain fertile à la nouveauté et à l'individualité ; l'homme prend conscience de soi, de sa particularité. La redéfinition des rapports sociaux se retrouve dans la musique, qui évolue et chez les compositeurs, qui offrent à leur musique une dimension jusque-là jamais explorée : le Moi. Le romantisme musical, qui se développe notamment à partir de 1830 dans le romantisme littéraire et politique, cherche à exprimer l'individu, à transmettre une vérité autre, un nouveau regard sur le monde et sur soi. On se défait des chaînes de la rationalité musicale, particulièrement classique, et l'on invente une nouvelle musique, libre, personnelle et sentimentale. La musique romantique allie la centralité du Moi et la subjectivité, l'universalisme et l'individualité, et ces éléments presque paradoxaux sont l'essence même de la création musicale romantique, qui prendra parfois une dimension politique. Notre propos s'attache à montrer la subtilité du projet qui sous-tend la création musicale romantique, et se décline en deux axes. Tout d'abord, nous exprimerons le romantisme comme une valorisation du sujet, comme une musique pour soi et pour elle-même, puis nous aborderons la subjectivité, qui constitue un élément central du romantisme musical.
[...] Cette volonté d'affirmation du Moi va de pair avec la virtuosité romantique et il y a comme une sorte de dialectique entre ses deux termes. La différenciation du sujet amène la possibilité de virtuosité, mais la virtuosité renforce les processus de différenciation. La virtuosité de la musique romantique est représentée en soi et pour soi par Liszt, mais si elle paraît rejetée par Chopin et Schubert, c'est parce qu'elle est mise au service du message poétique. Le romantisme, qui est le rejeton du processus de radicalisation de l'esprit de liberté établit une relation individualisée entre le compositeur et musicien virtuose avec la musique qui se concrétise avec l'expansion du solisme et la concentration du Moi. [...]
[...] Le solisme n'est pas une création de la virtuosité, puisqu'il remonte au début du XVIIe, mais avec la virtuosité romantique il connaît un changement pratique qui permet par le changement du dispositif musical sa dramatisation. Le soliste est seul face à l'orchestration d'accompagnement. C'est le cas de la réinterprétation du concerto pour piano et violon par les romantiques. Car la révolution musicale romantique n'est pas due à une révolution des instruments, mais bien de la façon nouvelle de les utiliser. [...]
[...] Les compositeurs romantiques ont suivi cette tendance en composant des œuvres plus politisées que leurs prédécesseurs, en variant les sujets, en s'inspirant de leur histoire, en défendant des idéaux. On a vu que la musique était un vecteur d'identité, personnelle d'abord, puisqu'elle permet au compositeur de faire triompher son Moi, dans son utilisation des techniques de composition et de jeu pour se dépasser, mais l'identité peut aussi être plus vaste, et la musique romantique a été le vecteur des identités nationales. [...]
[...] En cela, la musique fait appel à l'imagination, qui se place comme une alternative à la raison. L'imagination est un moyen de connaître, et les romantiques la préfèrent à la raison, car elle permet d'appréhender des éléments qui échappent à celle-ci. Dans le même registre, le rêve devient l'accession à une réalité autre, qui elle aussi se dérobe à la raison. La musique est alors l'art le plus important pour les romantiques, car elle ne sollicite pas une langue précise et positive. [...]
[...] Wagner, animé par ce projet de musique miraculeuse, se prononce pour la totalité. Il écrit, compose, et ses opéras tentent d'apporter une réponse, une tentative à ce projet romantique colossal. Ainsi, sa réalisation passe par la musique, l'histoire, la danse, le texte, la mise en scène, les décors, les costumes, pour donner un spectacle total, capable de rendre compte de la réalité, qui pour Wagner est un tissu de tendances émotionnelles. La musique pénètre alors l'âme du public, et elle s'y dilue, et c'est pourquoi il tient à ce que la poésie vienne la conforter. [...]
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