La musique dans "L’année dernière à Marienbad"

Résumé du document

L'Année dernière à Marienbad, projet de deux artistes aux préoccupations résolument modernes, Alain Resnais et Alain Robbe-Grillet, correspond à un véritable travail d'épuration, d'annihilation de la contamination d'une œuvre par la rigidité du récit littéraire. Paradoxalement, pour atteindre une notoriété d'œuvre inclassable, Marienbad a dû susciter tous les autres arts. A cheval entre cinéma et roman, le projet fait en effet appel au théâtre, à la photographie, à la musique. La musique très particulière de Marienbad, composée par Francis Seyrig sur les instructions de Robbe-Grillet, tient une place de choix dans l'esthétique de l'œuvre. Que ce soit dans sa structure interne ou dans sa façon de se souder à l'image, elle se fait le reflet des conceptions artistiques du couple Resnais – Robbe-Grillet tout en apportant sa spécificité propre.
Il s'agira d'abord de s'interroger sur les raisons du choix d'une musique sérielle, puis d'analyser le rapport qu'entretient la musique avec l'image au long du film et du roman, et enfin de considérer le rôle de la musique dans l'esthétique du projet de Marienbad.

Extraits

[...] C'est après enregistrement de la musique que Jean Lods effectue le montage de son film, La vie d'un fleuve. Hanns Eisler développe ces préoccupations interactives dans La nouvelle terre (1934), qui décrivent le gigantesque travail d'assèchement et de fertilisation de la région des Polders aux Pays-Bas. Ce qui importe essentiellement à Eisler, c'est la signification que la musique ajoute aux images. Le compositeur ne se contente pas d'accompagner la description du travail des champs, il prend position : L'image de l'oppression, de l'abattement, caractérisant les conditions de travail, est transformée par la musique en image de la solidarité. [...]

[...] Le cinéma parlant apparaît en 1927 avec Le Chanteur de jazz de Crosland. L'introduction du son est alors de nature à bouleverser la conception de l'art cinématographique. En 1929, le manifeste du Contrepoint orchestral est signé par les théoriciens russes Eisenstein, Poudovkine et Alexandrov, qui souhaitent y définir leur conception du rapport entre son et image au cinéma : ils préconisent la non-coïncidence du son et de l'image. Les premières années du sonore sont marquées par un bouillonnement expérimental concernant les rapports entre son et image. [...]

[...] X s'approche d'elle et lui offre son bras. Elle regarde la chaussure cassée Cela nous ramène à la stratégie de création du projet de Marienbad : lorsqu'on lit le texte, on ne peut pas savoir s'il s'agit de la préparation d'un film à venir ou de la description d'un film déjà réalisé La musique intérieure Marienbad illustre une démarche intellectuelle profondément marquée par la subjectivité. Robbe-Grillet précise dans l'introduction qu'il apprécie chez Resnais une tentative de construire un espace et un temps purement mentaux ceux du rêve peut-être, ou de la mémoire, ceux de toute vie affective. [...]

[...] (p.49) ; Vous ne semblez guère vous souvenir de moi (p. 52) ; Et une fois de plus A ne cesse de répéter : Mais non, c'est impossible (phrase également prononcée par un joueur qui perd p.62) et Je vous en supplie Laissez-moi Dans leur discussion, X peut reprendre un thème introduit par le développer avec variations : elle achève de se figer X : pour toujours, dans un passé de marbre Un autre personnage fait référence à une phrase prononcée par X à l'intention de A : Vous êtes toujours la même. [...]

[...] Comme le dit Carl Therrien, Quoi de mieux pour représenter à l'écran ce film intérieur que de susciter le plus abstrait, l'art par excellence libéré de la contingence du réel, la musique ? Bibliographie Alain Robbe-Grillet, L'Année dernière à Marienbad, Paris, Editions de Minuit Michel Estève, Mireille Latil-Le Dantec, Alain Resnais et Alain Robbe- Grillet: évolution d'une écriture, Paris, Lettres modernes collection Etudes cinématographiques. Jean-Claude Vareille, Alain Robbe-Grillet: une pratique de l'ambivalence: étude sur les ciné-romans de l'Année dernière à Marienbad et de L'Immortelle, Lille, Atelier de reproduction des thèses de l'Université Lille 1983. [...]