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Dans un exposé au sujet de l'improvisation de Jazz, Philip Auslander prend pour point de départ une assertion de Lee. B. Brown selon laquelle le fait d'enregistrer, et donc de pouvoir entendre de façon répétée, une improvisation de Jazz la transforme en une composition figée. Cela rendrait l'improvisation prédictible plutôt que spontanée, et la mènerait à devenir ennuyeuse. Nous n'examinerons pas ici tous les tenants et les aboutissants de cette affirmation, ni l'entière réponse qui y a été donnée par Auslander, mais nous allons nous concentrer sur les points de son raisonnement qui ont particulièrement retenu mon attention.
[...] Pour cela, ce sont les dimensions sociales de l'improvisation de Jazz qu'il place au premier plan. Selon ce point de vue, il y aurait une sorte de consensus entre les musiciens et leur public, menant chacune des parties à agir selon certaines conventions. Auslander s'inspire d'une théorie de Goffman, à l'origine destinée au thtre, et en applique le principe à la performance musicale. Goffman distinguait l'acteur du personnage, et la personne allant au thtre du spectateur. L'acteur et la personne allant au thtre occupent ensemble le même plan de réalité, tandis que le personnage et le spectateur occupent un plan de réalité différent. [...]
[...] Un second niveau d'analyse serait dédié au point de vue de l'auditeur. Comme l'a dit Auslander, l'auditeur n'a aucun moyen de savoir si ce qu'il entend (et voit) est improvisé ou non. De plus, il n'est pas un récepteur passif. Alperson dit d'ailleurs qu'improvisation et composition dirigent l'attention de manières différentes. La question pourrait donc être ici de définir l'improvisation en termes de mécanismes attentionnels mis en place par les auditeurs lorsqu'ils écoutent « comme si » c'était une improvisation de Jazz. [...]
[...] Il me semble que c'est ici que se situe le fameux « comme si » d'Auslander et Goffman, cette appropriation active et intentionnelle d'un état d'information spécifique, et les comportements qui en découlent. Enfin, j'ajouterais qu'un dernier élément, non spécifiquement pris en compte par Auslander et Goffman, participe très probablement au fonctionnement de l'accord social entre performeurs et public. Il s'agit de l'influence sociale découlant de la normalisation. Tout d'abord, pour qu'une norme soit établie, il faut qu'un groupe de personnes s'entendent sur une certaine vision de la réalité (Bédard & co.4). [...]
[...] Qu'est-ce qu'agir uniquement dans le moment présent ? En effet, dès le moment même où un musicien joue, il mobilise obligatoirement ses connaissances préalables de la musique et est nécessairement influencé, qu'il en soit conscient ou non, par ce qu'il a déjà entendu et joué auparavant. Vu sous cet angle, agir uniquement dans le présent serait simplement impossible. Alors, où placer la limite entre spontané et non spontané ? Au final, j'ajouterais donc au propos d'Auslander que définir la spontanéité semble potentiellement tout aussi problématique que définir l'improvisation. [...]
[...] Et puisque l'auditeur n'a aucun moyen de vérifier si ce qu'il entend est réellement une improvisation ou non, il se doit simplement d'agir « comme si » il était effectivement témoin d'une improvisation. D'après Auslander, la question n'est pas, pour le musicien, de persuader le public qu'il y a bien improvisation. La question est de persuader le public d'entrer dans une interaction sociale dans laquelle la définition de la situation résulte d'un accord entre les deux parties (musiciens et public), accord selon lequel l'improvisation a effectivement lieu. IV. [...]
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