La musique est l'art des sons, et produit, en tant que telle, des sensations auditives sans contenu, sans informations valables du point de vue de la connaissance. Les objets matériels, les corps élastiques produisent, par leur vibration, des ondes sonores que la perception humaine traduit en impressions acoustiques par le biais de processus dont les modalités ultimes ne sont pas (et probablement ne seront jamais) complètement élucidées : ces objets, ces « instruments » de musique la suscitent, la matérialisent sans pour autant s'identifier avec elle (...)
[...] Dans son essai Le Beau dans la musique on lit: n'existe aucun art qui épuise autant de formes que la musique . Cette constatation est fondée sur l'observation de «l'extraordinaire différence de l'effet produit sur les auditeurs de l'époque, comparés à ceux d'aujourd'hui, par de nombreuses compositions de Mozart, Beethoven et Weber. Combien d'œuvres de Mozart, ont, de leur temps, été considérées comme la musique la plus passionnée, la plus ardente et la plus audacieuse qui puisse exister, comme le sommet extrême que l'on puisse atteindre dans la représentation des états d'âme! [...]
[...] Cassiodore considérait la musique comme une «scientia, quae de numèris loquitur». Saint Augustin, dans les six livres De musica et dans le onzième livre de ses Confessions, parle des réalités sonores comme de numeri sonantes ou occursores (occurrants), pro-gressores (qui se traduisent en mouvement), reproductores (qui se reproduisent), recor- dabiles (que l'on rappelle), judiciales (qui permettent déjuger si un ton est juste ou s'il est faux). Au début du XVIIIe siècle, Leibniz définit la musique «exercitium arithmeticae occultum nescientis se numerari animi» (une pratique occulte d'arithmétique dans laquelle l'âme se livre inconsciemment à un jeu des nombres). [...]
[...] C'était cette «imperfection» qui apportait justement la variété voulue. Tous les autres intervalles étaient défendus, car ils étaient jugés trop dissonants. Le concept de consonantia a été défini pour la première fois dans De institutione harmonica du moine franco-flamand Hucbald de Saint- Amand. Les concepts de consonance et de dissonance sont relatifs et variables, car ils sont liés à des sensations de l'ouïe, soumises aux lois de la physiologie, qui font que la répétition d'un stimulus extérieur (dans ce cas, les vibrations des objets sonores) amoindrit, dans une certaine mesure, l'intensité des sensations. [...]
[...] C'est avec la cithare qu'Apollon se console durant son servage chez Admète, qu'il apaise les forces hostiles de la nature et charme les fauves. Son disciple Orphée, non seulement charme les fauves, mais parvient même à apitoyer Cerbère et Pluton, dans la tentative d'arracher Eurydice aux Enfers. Pour pouvoir résister au chant des Sirènes qui entraîne les navigateurs dans les remous de la mer, Ulysse se fait lier au mât de son navire. Dans les mythes grecs, la musique réussit non seulement à émouvoir dieux, demi-dieux, hommes et animaux, mais aussi à mouvoir les pierres: à l'aide de la lyre en or donnée par Hermès, les jumeaux Amphion et Zèthos construisent les murs de Thèbes. [...]
[...] Le prix à payer des conquêtes d'un art qui renouvelait ses propres prémisses et données «naturelles» était celui du vieillissement irréversible, pour ne pas dire de la fossilisation de toutes les musiques préexistantes. Pour cette raison, alors que l'on peut distinguer les sculptures grecques archaïques des chefs-d'œuvre classiques, les comprendre et en apprécier la beauté absolue, malgré les changements de goût, de société et de contexte culturel, la musique grecque par contre nous apparaît plus qu'archaïque, et la plénitude de ses significations et de son ethos nous semble perdue à jamais. Et toute la production musicale jusqu'au seuil de l'époque baroque nous apparaît plus ou moins archaïque, plus ou moins «ancienne». [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture