Joël-Marie Fauquet et Antoine Hennion, "La grandeur de Bach, l’amour de la musique en France au XIXe siècle" (2000) – chapitre "L’effet de la musique de Bach"

Résumé du document

Que suscite la pérennité de Bach ? Les auteurs Joël-Marie Fauquet et Antoine Hennion s'attachèrent ici à cette interrogation dans les limites du XIXe siècle. Question à la fois difficile et passionnante qui tend, à travers l'intégralité de l'œuvre de Bach, à redéfinir l'ensemble de l'histoire.

Le XIXe siècle voit le goût musical de sa société évoluer de manière considérable. Dans cet ouvrage, les auteurs s'intéressent à la perception de la musique en dehors de l'Allemagne, et plus particulièrement en France. Le lecteur est invité à prendre part à la redécouverte des œuvres de Bach puis à en apprécier l'évolution. La période étudiée s'écoule sur 85 années. En effet l'analyse s'appuie sur des documents publiés entre 1800, où sont publiées, pour la première fois, des œuvres de Bach, et 1885, bicentenaire de la naissance de Bach. De nombreux interprètes, compositeurs et critiques travaillèrent afin de permettre à ces œuvres d'émerger progressivement. En effet Gounod, Saint Saens, Liszt, Franck et d'autres personnalités tentèrent de faire apprécier la musique de Bach au public français en la revitalisant. Cette démystification permit d'inventer un goût nouveau pour la musique, plus éclectique.

Extraits

[...] Malgré tout, les critiques tentèrent d'émettre des opinions et des descriptions de l'œuvre musicale de Bach. Pour se faire, ils emploieront des séries de mots passe-partout ou banals. Que faire face à la pauvreté du vocabulaire du commentaire musicale ? L'impossibilité de mettre sur papier leurs sensations personnelles rendit leur travail très difficile et ingrat. Lors de l'exposition universelle de 1878, l'œuvre de Bach pour orgue fut interprétée dans une salle de concert, le théâtre prenant ici la place originelle de l'église. [...]

[...] De quelle manière transcrire la musique par des mots. La musique est un langage à part, présent au sein de toute culture, mais il demeure difficilement traduisible par les mots. Bach intervient comme un être indéfinissable, transcendant les esprits et retournant le cœur de ses fidèles. Le travail sur les témoignages des admirateurs de Bach permet également d'entamer une nouvelle approche musicologique. Ces adulateurs passionnés tentent par tous les moyens d'exprimer la passion qui les traverse à l'écoute de différentes œuvres. [...]

[...] Ses mélodies étaient même parfois considérées comme bizarres et sauvages et son harmonie d'« incorrecte C'est au fil du temps que la musique s'accorde avec la perception musicale, et cela, à partir du moment où la musique ne choque plus. Il faut toutefois souligner que Bach, durant sa période de composition, possédait une conscience absolue des instruments qu'il utilisait, ainsi il pouvait écrire une œuvre pour flute moderne et une autre pour flute à bec. L'utilisation des timbres était donc extrêmement réfléchie aussi cette pratique d' amélioration de l'utilisation des timbres et ces remarques semblent particulièrement déplacées aujourd'hui. [...]

[...] Les mots manquent, mais le plaisir reste identique. Peut-être est-ce cela le véritable problème, peut- être n'y a-t-il point de mot pour décrire la grandeur de Bach Dans ce cas, savourons sa musique en silence, écoutons sans juger, notre écoute en sera décuplée et grandit. Soulignent les auteurs p. 137. [...]

[...] Les mots possèdent un rôle majeur au sein de la définition de la musique et participe ainsi à l'écoute des œuvres, lui donnant un sens et la rendant plus attractive. Aussi de simples termes non-nominations ne peuvent suffirent à la description auditive de l'œuvre musicale. Le travail littéraire a ici le rôle de promouvoir l'œuvre dans ce monde où la presse est en plein développement. Ce travail implique considérablement le critique musical en sa personne dans son travail. Il doit apprendre à décrire sa propre perception de l'œuvre dans ce rapport à l'écoute qu'il transmet au lecteur. [...]