Schoenberg a adopté le principe de l'atonalité en 1908, avec son saisissant "Das Buch der hängenden Gärten" (opus 15), qui deviendra le mode d'écriture caractéristique de la Seconde École de Vienne, jusqu'en 1921, date à laquelle Schoenberg met au point la méthode sérielle qui organise le total chromatique.
Cette écriture se caractérise par une certaine distance par rapport aux principes fondamentaux du système tonal : l'attraction et la suprématie de la tonique, la différenciation et la hiérarchie des degrés, le dualisme consonance-dissonance et la suprématie de la consonance où toute dissonance doit se résoudre, les lois cadentielles et les rapports fonctionnels entre les accords.
À l'inverse, nous constatons l'abolition de la polarité tonale, équivalence des douze demi-tons de l'échelle chromatique, rejet du dualisme consonance-dissonance et des résolutions, abolition de la cadence, autonomie et suppression de la hiérarchie des accords.
Pourtant, l'étude de l'opus 11 révèle que cette distinction entre les principes de la tonalité et de l'atonalité libre ne peut pas être conçue de manière aussi schématique. Si la troisième pièce est celle qui échappe le plus, autant techniquement qu'esthétiquement, au gabarit des conditions stylistiques pratiquées à l'époque, la deuxième pièce jette un pont entre les deux langages, par l'utilisation de l'ostinato, moyen largement exploité durant le Romantisme, et par les allusions que celui-ci crée avec la tonalité de ré mineur.
La première pièce conserve également des allusions à une « tonique » ou à des sons-pédales obstinés. Ce qui frappe le plus à l'écoute de ces deux premières pièces sont les traces très visibles de la tradition romantique dans son écriture pianistique, notamment celle de Brahms, dont les opus 116 à 119 ne lui sont antérieurs que d'une vingtaine d'années. On y retrouve la même concision, et un phrasé rythmique qui est très brahmsien.
[...] Par conséquent, ce thème d'une des premières œuvres atonales de Schoenberg garde de nombreux éléments liés à la tradition tonale. De plus, la présence d'un decrescendo dès les premières notes accentue au niveau de l'interprétation l'idée d'une fluidité mélodique, comme une expiration. Penchons-nous sur les accords. Selon nous, ils ne peuvent être compris qu'à la lumière des intervalles constitutifs de la mélodie. Nous pouvons décomposer cette dernière en m et : m est constituée d'une tierce mineure (si-sol#) et d'une seconde mineure (sol#-sol bécarre), consiste en son agrandissement intervallique, avec une tierce majeure fa) et toujours une seconde mineure (fa-mi). [...]
[...] Les mesures 28 et 29 condensent de nombreux motifs variés quant aux intervalles, mais aux contours caractéristiques. La partie en vert est un dérivé de la première zone d'éclatement avec ses arpèges ascendants rapides. On retrouve ensuite une variante de α2, préparée mesure 28 et répétée sans cesse dès la mesure 29, et ce, jusqu'à la fin de la première partie mesure 33 : mesure 30 à la main droite, suivie à la main gauche de son rétrograde (celui-ci étant imparfait : à la quarte juste de la main droite répond un triton à la main gauche) puis à nouveau cette alternance un ton plus bas. [...]
[...] Une relation palindromique avec a peut également être dégagée. Ce schéma sera plus clair que de longues explications : Nous remarquerons en outre une symétrie verticale dans cette section, avec un accord parfait majeur à chaque main (do-mi-sol à la main droite, ré- fa#-la à la main gauche). De plus, un demi-ton descendant à la main droite (do-si bécarre) trouve son symétrique dans le demi-ton ascendant à la main gauche (la-la#). Si la partie a peut être considérée comme une formule fixe (comme en témoignera sa reprise en dans les mesures 9 à b est relativement mobile. [...]
[...] Quant à α3, son demi-ton descendant mi) devient un demi-ton ascendant (la-sib). Le ton central qui était mi jusqu'alors, semble devenir sib, qui est le point d'arrivée de cette phrase. En ce qui concerne les accords, qui accompagnent cette mélodie, les intervalles sont également agrandis par rapport à a : λ pour le premier accord, à la superposition d'une tierce majeure (solb-si) et d'une seconde mineure (fa-solb) correspond la superposition d'une quinte augmentée (lab-mi) et d'une seconde majeure (solb-lab); λ pour le deuxième accord, à la superposition d'une tierce mineure (sib-réb) et d'une seconde mineure (la-sib) correspond la superposition d'une tierce majeure (sol-si) et d'une seconde majeure (fa-sol) Les variations des motifs initiaux Les motifs exposés dans ces premières mesures vont se retrouver, de manière variée, tout au long de la pièce. [...]
[...] Elle marque une rupture dans le discours, et est en contraste à plus d'un titre avec ce qui lui précède : λ La dynamique est modifiée, passant d'une nuance globalement plutôt piano à un ppp avec sourdine. Plus loin, des sforzandi créeront un contraste fort avec cette nuance. λ Le tempo est bouleversé, passant de mäβige (modéré) à viel schneller (beaucoup plus rapide). λ Le discours, qui était jusqu'alors clairement compartimenté au niveau de la métrique, devient plus flou à ce point de vue. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture