Kindertotenlieder, spectacle entre deux tragiques, Gustav Mahler, chants des enfants morts, création théâtrale, Gisèle Vienne, concept philosophique du tragique
S'il est un terme que les médias affectionnent particulièrement pour parler de la mort prématurée – et accidentelle – de jeunes enfants, c'est bien celui de « tragique ». Il est alors compris comme synonyme de « terrible », si l'on s'en réfère au dictionnaire du Larousse. Dans ce sens là, l'oeuvre musicale de Gustav Mahler, Kindertotenlieder, relatant en cinq lieder le récit d'un père dont les enfants, partis en forêt, ne sont jamais revenus, est proprement tragique.
En 2007, la chorégraphe et metteur en scène Gisèle Vienne crée un spectacle du même nom, dont elle n'est pas sans connaître l'origine, puisqu'elle reprendra à son tour le rituel du chant funèbre, en mettant en scène un concert d'enterrement. Si le thème est tragique dans son acception la plus répandue, il convient que nous étudiions ce terme à la lumière des théoriciens du tragique, afin de voir dans quelle mesure la création théâtrale de Gisèle Vienne -rappelons ici le lien fort qui lie la notion de tragique au théâtre- peut se revendiquer du tragique. Il nous appartiendra alors de différencier le concept philosophique du tragique, créé au XIXe siècle, de l'art tragique, dont l'objet est empirique : « la tragédie, non l'idée de la tragédie. » Mais si la Tragédie n'existe plus aujourd'hui dans sa forme initiale, il ne nous est pas interdit de chercher dans la création contemporaine ce qui pourrait relever de la Tragédie aussi bien que du tragique.
[...] Cette tradition, cette valeur de « Bien social », vient donc appuyer le pouvoir du « Bien moral » (qui sera la deuxième valeur concernée) et lui garantir l'ordre et la paix dans les villages Max Scheler, Le phénomène du tragique cité par Marc ESCOLA, Le tragique, Paris, GF Flammarion, coll. « Corpus », n° Max Scheler, Op.cit. Mais cette tradition, devenue au fil du temps un vestige folklorique, a aujourd'hui perdu de sa force évocatrice et ne joue plus le rôle régulateur d'alors, qui permettait de circonscrire les peurs et fantasmes de la société dans un cadre. C'est dans les années 1990 qu'on en retrouve des traces, mais la tradition a alors perdu sa dimension bienfaisante et régulatrice, pour ne plus être qu'une manière de faire régner la terreur. [...]
[...] On peut voir dans le suicide une tentative d'associer liberté et nécessité dans un même geste, d'anéantir les deux en les faisant triompher en même temps. En effet, le suicide peut être considéré comme l'affirmation à la fois du salut de l'individu par l'affirmation de sa liberté (en se donnant la mort), et de son anéantissement par la mort, la « nécessité comme donnée objective ». Etienne Borne ne dit pas autre chose en affirmant que « le destin, c'est-à-dire l'infigurable, l'inéluctable, l'inscrutable, [est] la parabole de la mort qui rend tout tumulte humain « au silence pareil ». [...]
[...] La condition mortelle et le moment du périr sont en jeu avec le sublime. [ ] Il y a rapport du sublime au testamentaire. Les mots sublimes sont les mots de la fin Ici ce ne sont plus « les paroles [qui] s'envolent, les écrits [qui] restent »15, mais l'âme qui s'envole et les paroles qui restent. D'une certaine façon, il reprend l'idée de tragique de Schelling, car si mourir revient à être vaincu, c'est bel et bien une victoire que de dépasser la mort par les mots, au moment même où elle enlève l'âme du corps humain. [...]
[...] [ ] Nous nous trouvons soudain dans un temps tragique, un temps immobile. »4 En effet, tout est fait pour que le spectateur oublie toute notion du temps : les repères sont brouillés, les actions étirées, les corps des comédiens se meuvent au ralenti, les guitares de Stephen O-Malley et Peter Rehberg nous plongent dans l'atmosphère envoûtante du black metal, et les flocons de neige en polystyrène qui tombent sans discontinuer sur la scène embrumée finissent de dérouter le spectateur. [...]
[...] Didier Deleule, op.cit Gisèle Vienne, ibid Gisèle Vienne, ibidem 37 Didier Deleule, op.cit Bibliographie Source VIENNE Gisèle et COOPER Dennis, Kindertotenlieder Ouvrages de référence BOILEAU, Traité du Sublime ou Du merveilleux dans le discours BURKE Edmund, Recherche philosophique sur l'origine de nos idées du sublime et du beau DEGAINE André, Histoire du théâtre dessinée, Nizet p. ESCOLA Marc, Le tragique, Paris, GF Flammarion, coll. « Corpus », n° FREUD Sigmund in Das Unheimliche, traduit de l'allemand par Marie Bonaparte et Mme E. Marty GRIMAUD Emmanuel et PARE Zaven, Le jour où les robots mangeront des pommes : Conversations avec un Geminoïd, Editions Pétra SZONDI Peter et BESSON Jean-Louis, Essai sur le tragique, Belval, Circé, coll. « Penser le théâtre » Articles, revues et autres ouvrages BORNE Étienne, « MAL », Encyclopædia Universalis [en ligne]. [...]
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