4'33'' est l'une des œuvres majeures du musicien américain John Cage (1912-1992). Elle remet en question la base même de la musique en interrogeant la question du silence dans la composition ainsi que dans l'interprétation publique. Elle est le fruit d'une révélation que le musicien eu lors d'une de ses visites à l'université de Harvard en 1951, dans laquelle il rentre dans une chambre anéchoïque (absorbe les échos), s'attendant à rencontrer le silence parfait. En réalité, John Cage va être surpris d'entendre deux sons, l'un aigu et l'autre grave. Il va alors apprendre que le son aigu provient de l'activité de son cerveau et le grave de la circulation de son sang. Ce non-silence va alors inspirer à Cage une œuvre surprenante et contestable, dans laquelle le présumé silence va en réalité faire découvrir au public sa propre activité. Comment John Cage fait du silence de la musique et modifie par la même le fondement de notre rapport à la musique ? 4'33'' est le fruit d'un travail sur le silence qui débuta en 1947, sa création sera traitée dans une seconde partie, puis nous finirons par les conséquences et l'héritage de l'œuvre.
[...] En 1951, il se rend à l'université de Harvard pour visiter une chambre anéchoïque, qui absorbe tout écho, dans le cadre de ses recherches sur le silence. Il se rend alors compte que le silence total ne peut exister à cause de deux sons constants et inhérents à l'homme. L'un est aigu et provient de l'activité du cerveau et le second est grave et résulte de la circulation du sang dans le corps. Le silence révèle alors l'activité interne du corps, il agit comme un révélateur de soi interne. [...]
[...] Cage a expliqué que 4'33'' était l'œuvre à laquelle il avait consacré le plus de temps. Grâce à cette phrase, Cage replace la distinction moderne du processus créatif d'une œuvre d'art. Une œuvre d'art est passée de l'acte constructif à l'acte réflexif. L'important pour une œuvre n'est pas son apparence, mais la réflexion qui a permis de l'enfanter. Par conséquent, 4'33'' peut sûrement être considérée comme l'œuvre la plus réfléchie de John Cage. Le musicien s'intéressait à la question du silence absolue depuis 1947, avant d'avoir la révélation que celui-ci n'existe pas permettant alors d'aboutir à une œuvre la plus controversée de son temps. [...]
[...] Dans le cas de 4'33'', le silence fait l'œuvre, de son origine à sa création. Il n'y a que dans l'interprétation qu'il ne fonctionne, car le silence absolu n'existe pas et c'est pourtant ce que la partition laisse supposer. En prenant le silence comme la donnée épicentrale de son œuvre, Cage défait deux millénaires de musique et de principes fondamentaux musicaux. D'une part, le son des notes disparaît derrière les bruits étouffés du public et n'est donc plus le garant unique de la pièce musicale. [...]
[...] Les indications sont présentes et précises, mais le contenu même de l'œuvre est totalement nouveau, imprévisible et unique. Afin de marquer le début de 4'33'', le pianiste (dans la version originale de John Cage) ferme le couvercle ; il le rouvre pour marquer la fin de la première partie puis le referme pour débuter la dernière, qu'il conclut en rouvrant le piano. Une fois le morceau commencé, le moindre son dans la salle prend une nouvelle dimension et devient musique. [...]
[...] John Cage recherche alors plus l'écoute du monde que le véritable silence absolu, qu'il sait hors de portée. Mais nous pouvons tout de même considérer 4'33'' comme une œuvre majeure de la musique contemporaine, car elle permet de réapprendre à écouter, en passant par la phase radicale de l'écoute active, c'est-à-dire en prenant part comme n'importe quel instrument à l'interprétation de l'œuvre. La recherche philosophique de cette œuvre ne doit pas être ignorée non plus, 4'33'' est surtout une conception de la vie, la manière dont on l'envisage dans une époque où l'existence humaine est cernée par le bruit mécanique. [...]
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