Quand Google défie l´Europe ; plaidoyer pour un sursaut est le titre de l'ouvrage écrit par Jean-Noël Jeanneney, historien et actuel président de la Bibliothèque Nationale de France et publié par les éditions Mille et Une Nuits en 2006 (pour sa deuxième édition augmentée et mise à jour).
Le livre parle de la controverse crée par le plan annoncé par Google Inc. le 14 décembre 2004. La compagnie a, en effet, dévoilé un plan pour numériser quinze millions de livres en six ans. Ce projet portait le nom de Google Print et s´appelle aujourd'hui Google Book Search. La compagnie avait signé un accord avec les universités de Stanford et du Michigan pour que leurs bibliothèques mettent leurs richesses à disposition de Google. L'objectif était de mettre à disposition sur Internet, gratuitement, tous les ouvrages libres de droit et de donner un accès partiel aux autres. L'annonce, aux dires du directeur de la BNF, a été d'abord un choc stimulant car l'accès massif à la culture serait ainsi assuré. Mais en étudiant de plus près la question des inquiétudes irrépressibles surgissaient. Le problème de la sélection des ouvrages à numériser se posait. Il est impossible de numériser tous les livres qui existent. L'auteur évalue à "plus d´une centaine de millions d´ouvrages imprimés la production totale de l´humanité depuis Gutenberg" en ne prenant en compte que l'Occident. Par conséquent toute entreprise de numérisation doit procéder à des choix. Or les choix impliquent des exclusions. Et ce que craint Jeanneney est que ces exclusions se fassent au détriment de toute culture étrangère aux États-Unis.
[...] Google a proposé un système qu´on appelle l´Opt Out aux États-Unis. La compagnie de Larry Page et Sergey Brin a considéré qu´il avait le droit de numériser les ouvrages qui se trouvaient dans les bibliothèques américaines sans demander la permission aux détenteurs des droits. Il leur a ensuite proposé d´indiquer à ces détenteurs des droits quels ouvrages ils ne voulaient pas voir numérisés. Le problème est que ce système va à l´encontre des lois de protection de la propriété intellectuelle telle que le vieux continent les conçoit. [...]
[...] Il ne s´agit pas d'accumuler des ouvrages sans aucune logique précise. Il faut, au contraire, faire un travail de sélection réfléchi et d´organisation du savoir. C´est un peu comme la différence qui existerait entre une énorme pile de livres et les livres dans une bibliothèque. La réflexion sur les critères de sélection et d´indexation est, d´après l´auteur, cruciale pour la réussite de l´entreprise. Jeanneney n´est pas hostile aux nouvelles technologies. Pour démontrer cela il met l´accent sur les avantages du "merveilleux progrès" que représente Internet; un accès plus facile aux ressources culturelles, la capacité à faire "réémerger des oeuvres enfouies dans les rayons mal accessibles", ou encore celle de faire que les gens découvrent le monde des livres et s´intéressent à lui. [...]
[...] En effet le moteur de recherche survit grâce exclusivement à la publicité. Jeannenet dit avec humour qu´il serait fâcheux de voir un vendeur de Madeleines dans la page de résultats qui nous montre les oeuvres de Proust ou un fabricant de moulins à côté du Don Quichotte. Un danger encore plus grand serait qu'"une hiérarchie entre les livres (s´établisse) au profit de ceux qui seront les mieux faits pour servir la satisfaction des annonceurs." Mais le but de Jeanneney n´est pas d´exposer les raisons pour lesquelles le projet de Google est un danger pour la culture. [...]
[...] L´avenir nous dira lequel des deux projets sera le mieux reçu par le public. En fait il est fort probable qu´aucun de deux projets ne dominera sans conteste. Ils offriront plutôt, comme le souhaitait M.Jeanneney, deux visions complémentaires du monde qui aboutiront à "construire un équilibre plus harmonieux au profit de la planète entière". [...]
[...] Des projets comme "The Million Book Project" piloté par la bibliothèque d´Alexandrie indiquent que des mesures pour entrer dans la course à la numérisation commencent à être prises ailleurs qu´aux États-Unis. Mais lorsqu´on se préoccupe de la situation de la numérisation au niveau mondial il ne faut pas oublier les pays plus pauvres qui ne peuvent pas numériser sans aide leurs patrimoines. Il faut trouver des solutions pour mettre à disposition de ces pays les outils nécessaires à la numérisation de leur patrimoine. [...]
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