Avec son ouvrage « La démocratie Internet : promesses et limites », Dominique Cardon, sociologue et chercheur au sein du laboratoire des usages d'Orange Labs ainsi qu'à l'EHESS, livre en 100 pages une analyse synthétique et pédagogique de l'espace public numérique contemporain.
Fidèle à l'esprit de la collection dans laquelle cette composition est éditée (« La République des idées »), ce livre publié en 2010 s'adresse à un large public. Ainsi, bien que la grande majorité des références soient de nature scientifique, il ne faut pas attendre de cet ouvrage une analyse détaillée et exhaustive mais plutôt une exploration personnelle d'un sujet familier pour l'auteur, ce dernier ayant mené des travaux empiriques sur plusieurs des sujets traités.
[...] Il en découle des compromis établis par les plus actifs (l'idéal de la pure égalité entre les membres est difficilement atteignable) ainsi qu'une bureaucratie procédurale. Dominique Cardon n'est pas dans l'approbation totale de l'Internet. En effet, ce dernier met en garde contre les algorithmes qui constituent un enjeu de pouvoir et représentent pourtant une boîte noire pour le chercheur. Ils conditionnent l'accès à l'information et leur programmation manifeste une idéologie spécifique. Par exemple, selon le contexte, les algorithmes peuvent mettre en avant le mérite, l'audience, la communauté, la vitesse. Si les grands détenteurs capitalistes (Youtube, moteur de recherche Google . [...]
[...] Au départ, Internet est le fruit de la rencontre entre le conte-culture américain et l'esprit méritocratique du monde de la recherche. Son usage étant à l'époque restreint à quelques privilégiés, l'homogénéité sociale en vigueur permettait d'insuffler dans cet espace virtuel l'esprit désiré par ses créateurs et défenseurs : un lieu autonome, d'échanges, non hiérarchisé, égalitaire. Cette volonté va jusqu'à se matérialiser dans une architecture en réseau, plus précisément le modèle du bout à bout qui entend sauvegarder l'Internet de toute logique d'appropriations. [...]
[...] Elle est un processus dynamique et relationnel au cours duquel l'internaute bâtit son identité à travers la reconnaissance de l'autre. Elle est donc le résultat d'une attitude réflexive, dont les manifestations diffèrent suivant le contexte. Dans un cas elle est le levier pour un échange autour de centres d'intérêt avec de nombreux anonymes, dans l'autre elle s'insère dans des discussions avec des proches réunis en îlots fortement connectés. La seconde configuration abrite un paradoxe : une exposition de soi réflexive soumise au regard d'autrui, qui témoigne selon Dominique Cardon d'une capacité à tolérer la multiplicité des autres La sociabilité sur Internet est donc protéiforme, elle est un emboitement successif de liens forts (proches) et faibles (collègues, connaissances virtuelles), obéissant à des registres d'exposition spécifiques. [...]
[...] Toutefois, cet ouvrage permet de saisir la cohérence et l'unité de l'œuvre de Dominique Cardon. Sans l'expliciter, ses différents articles sont articulés pour composer une pensée homogène, déroulée tout au long de l'ouvrage. Ce livre est donc plus l'occasion d'une introduction à l'œuvre de Dominique Cardon que d'une somme sur le sujet de la démocratie Internet. Ce choix éditorial n'enlève rien à la qualité de l'ouvrage qui fait état d'analyses profondes et originales, dont notamment tout le travail de proposition sur l'élargissement de l'espace public, mais aussi la réflexion sur le passage d'une dichotomie privé/public à une gradation haute/faible visibilité, ou encore l'instauration d'un web en clair-obscur Ces propositions originales constituent des outils conceptuels qui dévoilent de nouveaux horizons théoriques et perspectives de recherches stimulantes. [...]
[...] Il semble en effet indispensable de porter un regard sur les nouveaux dispositifs de communication dans la compréhension de la formation de l'espace public numérique. La nouveauté se situe dans la prise en compte de modalités d'expression non discursives, mais affectives (j'aime ou je n'aime pas), mais aussi le partage de contenus. Cette proposition théorique modifie profondément l'écologie de l'espace public, en y intégrant de nouveaux acteurs, avec de nouvelles modalités d'expression. En l'espèce, il est regrettable que Dominique Cardon ne communique pas des données afin que le lecteur puisse apprécier les ordres de grandeur. [...]
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