Heinrich Wölfflin naquit en Suisse en 1864. Il fit ses études à Bâle dans un milieu intellectuel riche au début du XXème siècle. Il étudia l'histoire de l'art auprès de Jacob Burckhardt (1818 - 1897) dont il s'éloigna largement dans ses propres théories à venir. Il fut également entouré de grandes personnalités allemandes qui l'influencèrent certainement, comme le philosophe Wilhelm Dilthey (1833 - 1911) ou encore l'historien Wilhelm Heinrich von Riehl (1823 - 1897). Il débuta sa carrière par Renaissance und Barock (Renaissance et baroque), son premier livre, publié en 1888. Il proposa alors un développement de l'étude de l'art renaissant, d'après l'un des ouvrages de Burckhardt, Geschichte der Renaissance in Italien (Histoire de la Renaissance en Italie, 1867), fondé sur une analyse comparative des styles de la Renaissance et du baroque, en confrontant leurs caractéristiques respectives. Il s'intéressa pour sa thèse de philosophie aux rapports entre l'homme et l'architecture, qu'il traita dans son analyse, grâce aux apports de différents domaines de la pensée, comme la philosophie, l'histoire de l'art, l'esthétique, la psychanalyse… permettant d'apprécier son savoir pluridisciplinaire. Peu de temps après, en 1893, il fut nommé professeur à la chaire d'histoire de l'art de l'université de Bâle, succédant ainsi à Burckhardt. Il eut également, durant cette période, des postes de responsabilités dans les musées de la ville. Au cours des années 1890, il fut attiré par les théories de la vision, prônées notamment par Adolf von Hildebrand (1847 - 1921), qui estimait que la perception était le seul élément important de la création artistique. Wölfflin publia ainsi en 1899 Die Klassische Kunst (l'art classique), traitant de l'attitude de la vision et de son importance pour l'appréhension de l'œuvre. Dans cette même optique, il s'intéressa à la vison seule dans son ouvrage Die Kunst Albrecht Dürers (l'art d'Albrecht Dürer), de 1905. Mais avant cela, en 1901, il fut nommé professeur d'histoire de l'art à l'université de Berlin. Son œuvre majeure, Kunstgeschichtliche Grundbegriffe (Principes fondamentaux de l'histoire de l'art, le problème de l'évolution du style dans l'art moderne), fut rédigée en 1915, et publiée en français en 1952. Suite à cet ouvrage fondamental, il publia quatre réfutations aux critiques soulevées par ce dernier, de 1920 à 1940, où il défendait son œuvre en réaffirmant ses théories. Il révisa ensuite sa méthode dans Italien und das deutsche Formgefühl (l'Italie et le sentiment de la forme allemande), l'un des principaux livres publiés après 1915. En 1924 il fuit l'Allemagne, où les montées de nationalisme annonçant la seconde guerre mondiale étaient de plus en plus fortes, pour rejoindre Zurich, afin d'y finir ses jours. Il mourut le 19 juillet 1945.
Le fondement de notre propos se situe dans son ouvrage théorique : Principes fondamentaux de l'histoire de l'art. Cet ouvrage (composé de cinq chapitres) fut écrit en 1915, période où l'auteur quitta l'Allemagne, qui était en pleine première guerre mondiale, pour se réfugier en Suisse, son pays natal. Ainsi, il décida de produire une synthèse théorique de ses pensées et réflexions en histoire de l'art, qu'il disséminait dans ces différentes productions antérieures, afin de les réunir en un seul et même ouvrage. Les extraits que nous traiterons ici sont tirés de l'introduction et de la conclusion de ce dernier.
Wölfflin écrit dans le contexte historique de la première guerre mondiale, moment pourtant peu propice à la production artistique. Afin de mieux comprendre son ouvrage, il est nécessaire de resituer l'auteur dans son contexte culturel, historique, philosophique. S'il est vrai que l'ouvrage fut publié en 1915, il est en réalité en germe dès le début du XXème siècle, période d'innovation intense qui changera notre vision du monde définitivement.
Notons que les acteurs de ce changement sont, pour ne citer qu'eux, Albert Einstein (1879 -1955) avec sa théorie de la relativité, Sigmund Freud (1856 - 1909) qui révolutionna le monde avec ses théories sur l'inconscient, avec entre autres Les cinq leçons de philosophies. Il faut aussi noter l'apparition de théories, comme celle du positivisme, étant l'illustration d'une incroyable foi dans le progrès scientifique. L'art et l'histoire de l'art ne sont pas exempts de ces grands bouleversements. Les années 1900 témoignent, en effet, du passage de l'art figuratif à l'art abstrait. On assiste également à une volonté de rupture avec les arts traditionaux, par le biais des avant-gardes, ainsi qu'une volonté de scientificité de l'art. A ce propos, Hans Belting nous informe : « Bien sur, ceux qui, directement ou indirectement, sympathisaient avec les croyances de l'avant-garde gardaient confiance dans un avenir de progrès et d'innovation continus». L'évolution stylistique forme alors l'un des principaux sujets de débat de l'époque. Ce désir d'innovation se traduit par la création de différents mouvements de pensées illustrés notamment par l'Association de Sécession, à Berlin, voulant marquer un arrêt net avec la manière de produire l'art, entre le passé et l'avenir. De même, les théories sur la couleur de Georges Seurat (Paris, 1859 - 1891), ou encore la théorie du divisionnisme de Paul Signac (Paris, 1863 - 1935) font partie de ces innovations techniques et de cette volonté de scientisme en art. Ces différents projets de recherche amènent ainsi Wölfflin et les formalistes purs à avoir un intérêt scientifique important les poussant à l'analyse exclusive de la forme.
Notre principal intérêt sera de comprendre pourquoi et comment Wölfflin a révolutionné la pensée de l'histoire de l'art à son époque. A travers son ouvrage principal, il cherche à définir les différents styles artistiques, principalement développés par le biais de l'analyse des formes qui les caractérisent. Ainsi, nous analyserons tout d'abord la pensée de l'auteur au travers des extraits étudiés, pour ensuite tenter de comprendre les critiques et les apports de sa méthode.
[...] Avec Principes fondamentaux de l'histoire de l'art, Wölfflin s'inscrit dans la lignée des formalistes, sans pour autant ne faire partie que de cette catégorie, quelque peu réductrice de son œuvre. Il se trouve être au départ de ce nouveau courant de pensée, développant principalement l'étude de la forme dans l'explication des œuvres. À l'instar d'Henri Focillon (1881-1943, Vie des formes), pour ne citer que le plus grand, la méthode de Wölfflin n'est pas fondée exclusivement sur le formalisme. D'après Joan Hart, il s'est intéressé, au-delà du fonctionnement interne de l'art, à l'influence de la société sur l'évolution artistique Il développe ainsi d'autres principes, l'aidant à mieux comprendre l'évolution d'un style artistique. [...]
[...] D'après notre synthèse analytique des extraits de l'introduction et de la conclusion des Principes fondamentaux de l'histoire de l'art, certaines notions sont à mettre en relief. Le propos de Wölfflin se définirait au travers d'un concept de dualité, ayant une consonance binaire systématique. Son étude se fonde sur la comparaison de deux périodes distinctes, dont les caractéristiques des styles paraissent antithétiques. Son héritage est ancré à un tel point dans notre discipline qu'aujourd'hui encore certains de nos enseignements sont fondés sur quelques-unes de ses théories. [...]
[...] Donc, l'art est régi par des lois internes inconscientes, mais il produit des formes différentes, dépendantes du libre- arbitre de chaque artiste. Le facteur national est aussi très important chez Wölfflin. Pour lui, un artiste du nord ou un artiste du sud ne produira jamais le même type d'œuvre, car ils sont singulièrement différents ; singularité due principalement à leur origine. Alors, une œuvre d'art italienne du XVème siècle pourra être rapprochée d'une œuvre d'art italienne du XIXème siècle, car elles auront toujours un caractère assimilable ; le caractère national des artistes les ayant produits. [...]
[...] Des métaphores telles que celles de période d'éclosion, de floraison, de déclin - contribuent malheureusement à égarer l'esprit. Se définissant à l'opposé de la théorie vasarienne d'un cycle de l'art biologique, Wölfflin envisage l'art comme un processus où chaque période sévère et rigide précède à une période plus souple et libérée. Il prend appui sur le parallèle, qu'il développe tout au long de sa pensée, entre art classique et art baroque. Cette théorie circulaire selon son étude, se répèterait successivement. [...]
[...] Présentation des extraits Le fondement de notre propos se situe dans son ouvrage théorique : Principes fondamentaux de l'histoire de l'art. Cet ouvrage (composé de cinq chapitres) fut écrit en 1915, période où l'auteur quitta l'Allemagne, qui était en pleine première guerre mondiale, pour se réfugier en Suisse, son pays natal. Ainsi, il décida de produire une synthèse théorique de ses pensées et réflexions en histoire de l'art, qu'il disséminait dans ces différentes productions antérieures, afin de les réunir en un seul et même ouvrage. [...]
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