Définir le Baroque constitue un projet paradoxal par essence. Il s'agirait en effet de saisir un objet dont la principale originalité réside dans son caractère insaisissable : " insinuant et instable ", " volatil et ondoyant " (J.Rousset), le genre ne se donne à voir que dans un mouvement perpétuel, intrinsèquement protéiforme, ayant peine à s'inscrire dans le marbre figé d'une définition exhaustive.
La résolution de ce paradoxe et de cette énigme a inspiré de nombreux ouvrages et analyses théoriques et critiques. Parmi ceux–ci, l'œuvre de Marcel Raymond – Baroque et Renaissance poétique (1955) – se distingue à deux principaux égards : d'une part, il s'agit d'une adaptation du précieux apport théorique de Wölfflin à l'analyse littéraire ; d'autre part, et plus fondamentalement, l'œuvre fait montre d'un effort indéniable de catégorisation rationnelle, témoignant d'une démarche d'historien de l'Art et des Idées.
Extrait de l'ouvrage précité, le passage consacré à la définition des " deux Baroques " reflète parfaitement ces spécificités analytiques de l'auteur et leurs mérites, et suscite dans le même temps une réflexion sur la portée réelle ce cette démarche et ses éventuelles insuffisances et limites : si l'effort de catégorisation et de classification de l'auteur apporte une contribution substantielle à l'Histoire des Idées, il ne saurait épuiser la définition artistique d'un genre par essence multiple et avide de métamorphoses.
[...] de Quincy), on y trouve également cette esthétique d'un mouvement qui se veut marque du perpétuel " devenir de " l'accident du protéiforme, bref, d'un art de la métamorphose tout entier dédié à l'éveil des sens. La première série conceptuelle est alors qualifiée par défaut par l'auteur : il s'agirait d'un " pré-baroque " Une distinction temporelle M.Raymond achève sa démonstration par une application de sa grille de lecture du Baroque à l'histoire littéraire et à l'histoire des idées : le schéma du " plein baroque " s'inscrit de façon quasi-totale dans la réalité littéraire du XVIIème siècle, et trouve un précurseur en Montaigne. [...]
[...] De même Jean Tortel (Baroques) décrit-il la séduction et le mystère du baroque dans cet " espace magique de la confusion éblouissante L'effort de rationalisation et de catégorisation de l'auteur entre donc potentiellement en contradiction avec la compréhension artistique d'un art de la métamorphose et de la confusion qui échappe, par essence, à l' " esprit de dissection " et au raisonnement binaire. Conclusion Saisir l'insaisissable, tel était le défi initial. La thèse de M.Raymond, riche et méthodique, n'épuise cependant pas, loin s'en faut, la compréhension d'un " art du mouvement " se laissant mal enfermer dans les cadres et catégories, y compris ceux qu'implique une tentative de définition. [...]
[...] Cette thèse de l'auteur est d'ailleurs partagée, reprise ou prolongée par certains de ses pairs. Ainsi Rousset (La littérature de l'âge baroque en France) découvre-t-il également dans le Baroque deux principes fondamentaux qu'il retrouve à l'œuvre dans les manifestations artistiques et littéraires du Seicento (XVIIème siècle) : le goût du mouvement, du changement, la métamorphose (Circé), et le goût du faste, du brillant, l'ostentation (le Paon). De même, certes dans une moindre mesure, J.Morel voit-il dans la littérature baroque française l'expression d'une période de crise se caractérisant par une propension à prendre en compte des contradictions (L'intérêt méthodologique de la notion de baroque littéraire). [...]
[...] Les deux " Baroques extrait de Baroque et Renaissance de M. Raymond Définir le Baroque constitue un projet paradoxal par essence. Il s'agirait en effet de saisir un objet dont la principale originalité réside dans son caractère insaisissable : " insinuant et instable " volatil et ondoyant " (J.Rousset), le genre ne se donne à voir que dans un mouvement perpétuel, intrinsèquement protéiforme, ayant peine à s'inscrire dans le marbre figé d'une définition exhaustive. La résolution de ce paradoxe et de cette énigme a inspiré de nombreux ouvrages et analyses théoriques et critiques. [...]
[...] Le Baroque ne doit pas se définir par ce qu'il n'est pas, mais par ce qu'il est. Raymond s'attache dès lors à la définition de critères positifs de détermination, en adoptant une démarche très proche de la scientificité propre à l'Histoire. Dégageant des concepts, les regroupant en des séries, et les appliquant à la réalité littéraire, l'auteur construit une grille de lecture à très forte cohérence schématique et logique, et livre les déductions issues de cette relecture de l'Histoire. L'application de tels principes analytiques face à un concept complexe et cédant aisément au " flou artistique " ne peut-être que louée, et participe à tout le moins à renforcer la compréhension d'un genre profondément inscrit dans l'Histoire des Idées. [...]
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