Jusqu'au milieu de la décennie, la révolution de la sculpture se déroule dans le creuset parisien, Boccioni mis à part. Mais cela change à partir de 1914-1915, lorsque l'impulsion part de Moscou. Après l'isolement de Paris pendant la Première Guerre mondiale, de nouvelles questions sont posées et une nouvelle forme de sculpture moderne fait son apparition dans une Russie bouleversée par la Révolution d'octobre 1917.
Nous ne pouvons parler de Tatline sans évoquer le constructivisme. Aujourd'hui ce terme regroupe un bon nombre de domaines de l'art russe ayant fait leur apparition entre 1915 et 1925. En réalité, beaucoup de tendances à ce moment-là se disputent la prédominance. Cela va de la culture des matériaux chez Tatline, qui s'appuie sur le travail manuel, au « productionnisme » visant les biens de consommation industriels, en passant par le « suprématisme » de Malevitch.
La conception de Tatline, qui se concentre surtout sur « le matériau réel dans un espace réel », s'oppose très nettement à l'idéalisme de Malevitch, Lissitzky ou Gabo. Au sens strictement historique, le terme « constructiviste » désigne surtout la vingtaine d'artistes et théoriciens qui forment un « groupe de travail des constructivistes » au sein de l'Institut Moscovites pour la Culture Artistique (INCHUK). En ce qui concerne Tatline, l'artiste parle ainsi de son travail : « Ma machinerie est bâtie sur le principe de l'utilisation de formes vivantes et organiques. L'observation de ces formes m'a conduit à la conclusion que les formes les plus esthétiques sont celles qui sont les plus économiques. En ceci, l'art est travail avec les formes du matériau. »
[...] Vladimir Tatline, Contre-relief, 1914/15, métal, bois et fil de fer x 71 cm, Saint-Pétersbourg, Musée National Russe. Vladimir Tatline, Relief complexe pour encoignure (reconstitution de 1979), fer, zinc et aluminium x 152,4 x 76,2 cm, Londres, Annely Juda Fine Art. La parenté superficielle des débuts avec les natures mortes de Picasso n'est qu'apparente. Tatline ne réduit pas la fracture entre la représentation et la réalité, et renonce bientôt à toute référence associative à une bouteille, à un journal, à une guitare. [...]
[...] Tatline, dans son monument dont la hauteur totale devait atteindre quatre cents mètres, entendait souligner aussi les forces et les tensions, mais rien qui fût purement technique. La double spirale, que complique le point d'appui désaxé, n'est motivée, en dernier lieu, ni par la technique ni par une technique de présentation auto mimétique. À côté des significations idéologiques que le motif engage, celui-ci semble se justifier également par des considérations picturales et sculpturales. Parmi la forêt des piliers soutenant les rampes de la spirale, le regard peine à embrasser les multiples niveaux, formes négatives. [...]
[...] Vladimir Tatline, Maquette pour le monument à la III° Internationale (reconstitution de 1979), bois, acier et verre x 300 cm, Paris, Musée National d'Art Moderne, Centre Georges Pompidou. Conclusion La spirale, la tour gigantesque et la réduction du projet artistique à la simple technique : tels sont les trois aspects réunis dans le monument que conçoit Tatline. Ils sont complémentaires dans cette structure sémiotique dans laquelle l'un renvoie toujours à l'autre. Le Monument de Tatline devait s'offrir comme la glorification du progrès où tous les degrés sont engagés, depuis l'art jusqu'à la politique. [...]
[...] L'œuvre de Tatline avant la maquette du monument et le constructivisme russe Initiateur du constructivisme, Tatline réalise en 1914, après la découverte du futurisme et de Picasso, ses premiers reliefs picturaux. A l'origine de la sculpture russe, on dit qu'il y a Vladimir Tatline. Les Russes vivant à Paris suivent en effet la voie occidentale. Comme Malévitch l'a été pour la peinture, Tatline est un des pères de la sculpture moderne. Il séjourne lui aussi à Paris, et rencontre Picasso en février 1914. [...]
[...] Ainsi c'est l'ensemble d'un processus naturel et culturel qui est pris dans le mouvement de la spirale. Le motif de la spirale joue donc un rôle clé aussi bien dans la genèse créatrice que dans la réception du projet utopique de Tatline. Malheureusement le processus de production du monument nous est seulement communiqué par deux dessins et deux ou trois maquettes. Vladimir Tatline, Maquette pour le monument à la III° Internationale bois, acier et verre, hauteur : 420 cm x 300 cm, photo de l'état d'origine. [...]
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