Paradoxe du jardin à l'anglaise, art, nature, France du XVIIIe siècle, structures géométriques, jardin classique, Newton, John Locke, géométrie, symétrie, parc d'Ermenonville, marquis de Girardin, jardins du Petit Trianon, style paysager
Un nouveau type de jardins apparaît en France dans les quatre dernières décennies du XVIIIe siècle et qui devient l'objet d'un engouement général, soulève l'enthousiasme. On lit sous la plume d'un amateur en 1773 : "La passion des jardins est aujourd'hui la passion dominante des riches et des grands". Plus qu'un goût, une sorte de folie collective. Ce jardin qu'on dit aussi "pittoresque", "irrégulier" ou "à l'anglaise" est, comme cette dernière qualification le signale, importé d'Angleterre où il est né quelques décennies plus tôt.
[...] Toute œuvre humaine est vouée à la destruction. Les ruines elles aussi offrent aux promeneurs l'image de leur condition, elles soulignent la fragilité des entreprises humaines alors même qu'elles figurent au sein de jardins supposés exalter, par la présence de l'élément végétal, la toute-puissance de la nature. Elles constituent en quelque sorte l'acte d'allégeance de l'homme, qu'il soit promeneur ou créateur, à une nature qui le vainc. Le temps passe et dépasse les êtres. Aussi le jardin est lieu d'expérimentation du temps. [...]
[...] Alexandre de Laborde, dont vous avez entendu parler à propos de Méréville, et que j'aurai encore l'occasion de citer, rapporte dans son livre un mot attribué au créateur anglais Capability Brown : Brown disait plaisamment des chemins tournants que plusieurs individus faisaient dans leurs jardins qu'on pouvait mettre un pied en zig et l'autre en zag. Mais cet excès lui-même renseigne sur l'identité entre cette nouvelle esthétique et la ligne courbe. B. Deuxième hésitation : ce style nouveau hésite entre art et nature. Bien sûr, ses promoteurs se réclament de la nature. Le marquis de Girardin proclame par exemple : « Vérité et nature : messieurs les artistes, voilà vos maîtres ». [...]
[...] Le tombeau est l'instrument d'une rêverie mélancolique. Bernardin de Saint-Pierre définit ces tombeaux comme des « monument(s) placé(s) sur les limites des deux mondes ». C'est l'occasion d'introduire une dimension métaphysique dans le jardin. Néanmoins le jardin peut aussi être le lieu du bonheur, de la gaieté, moins couramment peut-être, car le bonheur, comme on le sait, recèle des facultés d'expressivité médiocre. Il y a néanmoins une indéniable variété dans les affections psychologiques susceptibles d'atteindre le promeneur, et cette variété répond à la diversité des lieux et sites eux-mêmes, répertoriés selon le critère du « caractère », selon le mot employé dans les traités. [...]
[...] édifice de jardin, comme les cabanes, rotondes, les kiosques, etc.). Et d'ailleurs Alexandre de Laborde, en commentant la gravure et l'inscription, ajoute : Il n'est point de site agréable qui ne me rappelle quelque passage des poèmes de l'abbé Delille.] Il n'y a donc pas de solution de continuité entre les pages d'un livre et les sentiers d'un parc. La très grande majorité de ces parcs comportent d'ailleurs de multiples inscriptions, souvent tirées d'œuvres littéraires. Élisabeth Vigée-Lebrun, qui est peintre et dont vous connaissez les portraits célèbres, évoque dans ses mémoires cette manie des inscriptions et note à propos d'Ermenonville : On y trouve des inscriptions à chaque pas. [...]
[...] On ne se contente pas de faire un jardin, on lit les livres publiés sur la question. Au point d'ailleurs d'inscrire ses lectures sur les sites mêmes qu'on aménage. Exemple très remarquable de ces liens. [Vue du grand rocher de Morfontaine. Gravure qui figure dans le livre d'Alexandre de Laborde, qui est le fils du propriétaire de Méréville et l'auteur d'un ouvrage intitulé Description des nouveaux jardins de la France et de ses anciens châteaux. Cette gravure représente le parc de Morfontaine : domaine situé dans l'Oise, célèbre en particulier pour ce rocher où son propriétaire avait jugé opportun de faire graver un vers de l'abbé Delille, issu du poème des Jardins. [...]
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