Nu descendant un escalier, Marcel Duchamp (1912), subversion des canons artistiques, huile sur toile, histoire de l'art, formes géométriques anguleuses, art contemporain, déplacement dans l'espace, corps humain, art abstrait, cubisme analytique, tradition picturale
"Nu descendant un escalier" (1912) est une huile sur toile de Marcel Duchamp, peintre et plasticien français, et conservée au Philadelphia Museum of Art. L'œuvre est au format portrait (146 x 89 cm) et représente une juxtaposition de formes géométriques anguleuses traversant la toile. Dans les coins inférieurs gauches et supérieurs droits apparaissent ce qui semble être des marches d'escalier. La palette de couleur est exclusivement composée d'ocres et de terre de Sienne. Les formes les plus à droite sont lumineuses, tandis que les escaliers sont dans l'obscurité.
[...] À l'instar de Georges Braque avec son Grand nu (1908), par exemple, Duchamp utilise des couleurs brunâtres et ocrées, tout en investissant également le thème du nu. Aussi, la géométrisation du corps est une constante du Cubisme analytique, comme en témoigne la Jeune fille à la mandoline de Pablo Picasso (1912). Toutefois, Duchamp considère ce mouvement comme trop ancré dans le réalisme, tandis que les cubistes eux- mêmes désapprouvent l'œuvre de Duchamp. Car, si le peintre cubiste tourne autour de son modèle pour en saisir tous les angles, le modèle n'en est pas moins statique. [...]
[...] Mais au- delà de cet aspect, le motif l'escalier porte en lui une forte dimension symbolique. L'artiste, comme le nu, s'enfonce dans les profondeurs inconnues, afin d'explorer de nouvelles manières de créer, de nouvelles façons de concevoir l'art et le monde, de nouvelles visions esthétiques. Tel serait le devoir de l'artiste. La dernière pose est illuminée, symbolisant l'aboutissement de ce voyage artistique et peut-être une sorte d'illumination rimbaldienne. Ainsi, Marcel Duchamp crée une œuvre profondément subversive. Inspiré par la chronophotographie et à mi-chemin entre le cubisme et le futurisme, l'artiste peint un nu géométrisé, auquel il insuffle l'illusion d'un mouvement. [...]
[...] L'érotisme transparait, mais sans vulgarité ni lubricité. Or, le nu chez Duchamp est à l'opposé de ce corps charnel. Il est asexué, désindividualisé, déshumanisé. Le corps est anonyme et difficilement discernable : c'est par une recomposition du corps que le regardeur identifie la silhouette humanoïde. Le corps n'est suggéré qu'implicitement. Par cette déconstruction, Duchamp affirme sa volonté de nier la valeur esthétique et érotique du corps. Il se refuse à toute représentation naturaliste du nu : les spécificités anatomiques ne sont que grossièrement suggérées. [...]
[...] C'est en conférant un titre au ready-made qu'il lui insuffle une tout autre signification et l'éclaire d'un nouveau point de vue. Comme dans son Nu descendant un escalier, c'est le titre du tableau qui invite le regardeur à discerner le motif, et ne pas se limiter à la vision d'un simple enchevêtrement de formes géométriques. C'est ainsi qu'en 1917, Duchamp expose un urinoir renversé, sous le titre de « Fontaine ». Il détourne ainsi l'objet, l'intervertit avec un autre, par l'analogie de l'eau. [...]
[...] La beauté ne se trouve pas dans le nu, comme on s'y attendrait conventionnellement, mais dans l'exaltation de la perception visuelle, l'ouverture de la peinture à la dimension temporelle, au-delà de la dimension spatiale. Par ailleurs, à l'instar des cubistes, Duchamp rejette toute rationalisation de l'espace. Il rompt complètement avec la perspective albertienne (XVIe) et propose ainsi un espace plat, sans profondeur. L'espace sombre de l'escalier, évincé par la luminosité du corps qui monopolise le regard, semble se prolonger indéfiniment : au premier plan dans le coin inférieur gauche, puis dans le coin supérieur gauche et enfin dans le coin supérieur droit. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture