L'hybridation générique est une réalité dans l'art médiéval. La juxtaposition entre image corporelle et image spirituelle revêt pour Jean Scot une signification théologique, en vue de connaître Dieu qu'il juge même nécessaire. Cette science va être mise en place dans les décors monumentaux peints et/ou sculptés, les manuscrits, etc. L'hybridation générique, pour l'historien de l'art, peut avoir deux acceptions.
La première concerne l'hybridation entre deux ou plusieurs catégories de créatures, en l'occurrence l'hybridation entre les bestiae et les pecora . La seconde concerne plus spécifiquement les artefacts : un concepteur d'images opposera une image avec des créatures hybrides –une image corporelle – éloignée de Dieu à une image spirituelle (une représentation mariale, un martyre...) pour faire sentir la tragédie de l'éloignement avec le divin.
[...] [28]Selon Jérôme Baschet, le cerf est un animal très valorisé par son assimilation fréquente au Christ ou à l'âme du fidèle. On soulignera surtout qu'il est décrit, à la suite d'Isidore de Séville ou de Raban Maur, comme un animal inoffensif, obligé à une extrême vigilance afin de pouvoir prendre la fuite dès qu'il se sent menacé [ ] Le cerf est la proie par excellence. L'iconographie médiévale, op.cit, p. 199-200. [29]Voir http://merigny.pagesperso-orange.fr/lieux/chapelle.html [30]Saint-Jean Baptiste d'Artins compte, en effet, au sein de son réseau iconographique des années 1180-1220, sur le mur sud, une scène de cavaliers caparaçonnés portant le heaume plat : je la daterai du milieu du XIIIe siècle. [...]
[...] Un démon enfourne un damné dans la gueule du Léviathan dans l'angle nord-est, rendant cet espoir de retour à la semblance de Dieu ardent et émouvant. Ne sont pas moins présentes les revendications politiques alors d'actualité, telle la primauté du pape sur les évêques et sur les princes laïcs. À Lugaut, la juxtaposition de scènes corporelles avec des scènes spirituelles offre un thème d'une grande profondeur. La Chasse au cerf (fig.2) n'est plus une scène de cynégétique, mais elle participe de l'hyperthème de la Rédemption qui est composé des scènes de l'est au nord, d'un cycle de l'Enfance –Annonciation, Visitation et Nativité– des Trois Marie au Jardin avec l'Ange, de l'Anastasis, et de la représentation de l'Agneau Pascal. [...]
[...] Ainsi, la vision médiévale du macrocosme au microcosme influe sur tous les arts[6] au Moyen Âge central ; la dissemblance essentielle demeure entre le Créateur et la créature depuis la Chute. Mais redevenir semblable (et non égal) à Dieu demeure possible, c'est d'ailleurs le but de tout l'oïkoumène chrétien médiéval en marche. La catégorisation qui existe au Moyen Âge s'exprime dans les écrits des philosophes scolastiques, des théologiens, ou dans des taxinomies, à l'instar des célèbres Bestiaires[7]. Elle est manifestée dans la représentation des êtres hybrides figurés dans les marges des manuscrits ou sculptés dans les églises. [...]
[...] Je n'ai pas eu l'autorisation d'en reproduire les clichés. [19]Largement étudiée en profondeur par Michelle Gaborit et Jean-Pierre Suau. Voir sur Notre-Dame de Lugaut, ancien diocèse d'Aire (actuelle commune de Retjions, Landes) : Jean-Pierre Suau, Les scènes moralisatrices du bas du mur nord du chevet de l'église de Lugaut, (Landes) in Bulletin de la Société de Borda p. 269-301 ; Michelle Gaborit, Des Hystoires et des Couleurs. Peintures murales médiévales en Aquitaine, Bordeaux, Éditions Confluences, novembre 2002, et en dernier lieu, Sonia Kirch-Abad, Milites Christi. [...]
[...] Il nous faut mettre à l'épreuve, quitte à le perdre, ce que nous prenions comme acquis, fixe, définitif. Autrement dit, nous devons nous interroger sur nos propres termes de recherche tels que le sens, l'ordre, le genre, la catégorie, le répertoire, et les redéfinir à la lumière des recherches anthropologiques et archéologiques. Nous devons en chercher la définition pour les concepteurs d'images, les auteurs, le public des XIIe et XIIIe siècles. La sémantique historique est sans doute une des pistes essentielles pour renouveler notre approche du Moyen Âge. [...]
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