Ce document est une peinture à l'huile sur toile, d'une hauteur de 0,91m et d'une longueur de 1,62 m. La Grande Odalisque fut envoyée à Paris par Ingres, resté en Italie, pour être exposée au Salon de 1819. L'œuvre fut acquise définitivement par le Musée du Louvre en 1899 où elle est encore conservée aujourd'hui.
C'est Jean-Auguste-Dominique Ingres qui réalisa cette œuvre. Né en 1780 à Montauban et mort à Paris en 1867, Ingres est un peintre français que l'on peut qualifier de néo-classique. Il est en effet formé à l'Académie de Toulouse où il entre à l'âge de 11 ans, puis se rend à Paris en 1796 pour étudier sous la direction de Jacques-Louis David, considéré comme le chef de file de l'école néoclassique. Ingres s'éloigne du classicisme par son dévouement à un idéal de beauté fondé sur de difficiles harmonies de lignes et de couleurs. En 1806 Ingres découvre l'Italie, Rome, Florence et le Quattrocento, qui marqueront définitivement son style : on voit notamment ici l'influence de Raphaël dans les courbes de La Grande Odalisque. Ingres attache toujours au dessin une grande importance et déclarait à ce sujet : « Une chose bien dessinée est toujours assez bien peinte ». La galerie de portraits réalistes qu'il laisse constitue un miroir de la société bourgeoise de son temps, de l'esprit et des mœurs d'une classe à laquelle il appartient et dont il trace les vertus et les limites. Ingres s'intéresse également beaucoup à la texture des vêtements et des étoffes (velours, soie, satin, cachemire...) qu'il intègre parfaitement dans ses œuvres comme on peut le voir ici. Il s'inspirera dans ses débuts, aux techniques droites et raides de l'art grec, avant de se convertir rapidement à une approche des courbes et des drapés réalistes, cette deuxième conception étant la plus caractéristique de ses œuvres, en particulier de ses nus féminins. Ce thème traditionnel est cher au peintre qui depuis la Grande Baigneuse de 1808 jusqu'au Bain turc des dernières années, est hanté sans cesse par la ligne élégante du corps féminin. Dédaignant le réalisme anatomique de son maître David, qui ne peignait pas un personnage habillé sans l'avoir préalablement dessiné nu, Ingres ne pense qu'à la plastique, à l'arabesque et aux courbes pour lesquelles il a une véritable fascination.
La Grande Odalisque fut commandée par Caroline Murat, reine de Naples, comme un pendant à La dormeuse de Naples (1808, œuvre perdue).
[...] Description thématique Le mot Odalisque, du turc odalik, désigne une femme de harem en Orient. Sont ainsi présents dans le tableau des éléments et objets divers qui mettent en place tout un décor oriental, comme l'éventail, les bijoux, le turban, le brûle-parfum . Cependant, ce n'est pas l'Orient qui prime dans ce tableau : le cadre oriental sert juste de prétexte pour peindre cette femme nue, longue et blanche qui ne semble guère exotique ; par ailleurs, avec son regard teinté d'arrogance, elle ressemble plus à une courtisane occidentale qu'à une femme de harem. [...]
[...] La Grande Odalisque, ce prétendu classique, est comme nous avons pu le voir l'ancêtre de l'abstraction moderne, Ingres se faisant alors précurseur de Modigliani et de certains aspects de Picasso. Par ailleurs, on peut noter que Picasso lui- même, au XXe siècle, fait plusieurs fois référence à cette œuvre avec en particulier une grande odalisque d'après Ingres peinte en 1907 et déclare en parlant d'Ingres : "Il est notre maître à tous". Dans un autre genre, Man Ray a repris le thème du nu de dos dans son célèbre Violon d'Ingres (vers 1920), photographie d'un modèle dénudé sur laquelle il a dessiné les ouïes de l'instrument de musique. [...]
[...] La Grande Odalisque fut commandée par Caroline Murat, reine de Naples, comme un pendant à La dormeuse de Naples (1808, œuvre perdue). Le contexte de la création : le moment La Grande Odalisque a été réalisée en 1814 et s'inscrit parfaitement dans la carrière d'Ingres comme faisant partie de la série de ses peintures représentant des nus féminins, qui comme nous l'avons dit constitue un des thèmes majeurs de son œuvre. On pourrait croire que La Grande Odalisque se rattache au courant orientaliste, mais ce n'est pas le cas : en effet, Ingres la peint plutôt selon l'attente stéréotypée de l'époque, c'est-à- dire sous la forme d'une femme nue offerte aux regards se prélassant de façon lascive. [...]
[...] Nous pourrions alors adhérer à la pensée d'Henri Focillon, historien de l'art (1881-1943) lorsque ce dernier constatait qu'Ingres "chérissait moins son Odalisque pour la qualité de sa chair, pour l'éclat de son épiderme [ que parce que son corps est un rythme vivant". La Grande Odalisque incarne donc picturalement la femme telle que la voyaient les poètes romantiques du XIXe siècle, cette "muse vénale", aussi infernale que divine, inspirant plus tard à Baudelaire ces trois mots qui s'identifient parfaitement aux intentions esthétiques intimes d'Ingres : "rythme, parfum, lueur . Plus tard l'influence d'Ingres se ressent dans la peinture académique et jusque chez les impressionnistes comme Auguste Renoir et Edgar Degas. [...]
[...] Mais ces déformations que l'on peut aisément observer sont voulues par Ingres, qui préfère volontairement sacrifier la vraisemblance pour la beauté. Cela est confirmé par la vision qu'avait le peindre dans ses croquis de ce tableau, aux proportions parfaites : la déformation n'est intervenue que dans la mise en œuvre finale. Cela rejoint l'idée que nous avons déjà évoquée selon laquelle Ingres, fasciné par les courbes et la beauté féminine n'a pas hésité à déformer, adoucir, assouplir et épurer les lignes du corps jusqu'à rendre la femme ici invraisemblable, idéalisée et stylisée jusqu'à l'impossible. [...]
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