Depuis 1966, Ernest Pignon-Ernest fait de la rue le lieu même d'un art éphémère qui en exalte la mémoire, les événements ou les mythes. Il a ainsi préfiguré nombre d'expériences artistiques sollicitant l'espace du dehors. Ernest Pignon-Ernest intervient sur les murs des villes avec des images : dessins originaux au crayon et à l'encre, ou sérigraphies multipliées à des centaines d'exemplaires, qu'il colle, de nuit, en des lieux très précisément choisis.
Dès son origine, la démarche d'Ernest Pignon-Ernest a apporté une réponse différente à la question de la destination de l'Art.
Chaque artiste cherche à qui il souhaite s'adresser et de cette quête naît l'œuvre spécifique. Pour Ernest Pignon-Ernest, il s'agit de créer dans la rue un évènement visuel qui perturbe la perception habituelle, et force les passants à changer de regard sur l'espace qu'ils traversent, souvent sans le voir. Dans la mesure où il donne à redécouvrir la valeur des lieux, ce travail artistique privilégie la poésie de l'instant dans le vaste champ d'exposition qu'offre la rue.
Par quelle étrange lubie cet homme de 68 ans sort-il si souvent pour placarder sans autorisation, presque par effraction, sur les murs des villes, de Paris à Naples et de Nice à Soweto, des centaines de dessins d'une étonnante perfection, mais que personne ne lui a commandés, et qu'il abandonne aussitôt, sans même les avoir signés, au hasard des intempéries, de la pluie, du soleil, et aux mains hostiles ou amoureuses du public ? Quelles sont ses préoccupations artistiques et qui servent de fondement à son œuvre ?
[...] Cet artiste, excellent dessinateur, est très attaché à la figure humaine. Ses références, il va les emprunter à la peinture classique. En ce qui concerne les corps traînés de Naples, cette image, déclare-t-il, est nourrie de toutes les peintures napolitaines que j'ai travaillées, et surtout le Caravage Caravage peintre du seizième siècle, se distingue par le traitement contrasté de la lumière qui dramatise le sujet, traité par ailleurs sur le mode d'un réalisme objectif associé à une dimension méditative. Offrant ainsi d'autres moments uniques instantanés à son spectateur qui, en y regardant bien, on pourra découvrir un hommage à Edvard Munch, Toulouse- Lautrec, Edward Hopper Le détournement de l'œuvre le cri de Munch crée un double impact visuel, Ernest Pignon Ernest rend hommage à son prédécesseur avec la série sur les cabines ; et par son appropriation, montre aux passants la détresse, le mal- être que peuvent subir les exclus de notre société. [...]
[...] Il anticipe la traversée des lieux par le passant, il prend en compte le comment de la rencontre comme un élément même de l'œuvre. les ai collées dans des lieux où elles se glissent comme des évidences : ce qui perdure de la Venise Provençale, le long du canal, des barques, des filets . et simultanément dans des lieux qui disent la fracture, les transformations brutales. Des lieux où la présence de cette image anachronique et incongrue provoquait au moins une interrogation, parfois un malaise physique.» Ainsi, il ne cherche évidemment pas à avoir, à tout prix, un langage compris par tous. [...]
[...] Ernest Pignon-Ernest dessine sur papier journal (œuvres originales ou sérigraphies si la nécessité de reproduction se fait sentir) au fusain ou à la pierre noire des personnages Taille1. Il vient ensuite appliquer, coller, fondre son travail (utilisation des aspérités, des creux, des bosses ) sur un mur, une cabine téléphonique, un espace choisi. Il place son travail la nuit de préférence, ce qui renforce l'effet d'apparition le jour suivant. Il ne signe pas son travail, ses œuvres disparaissent avec le temps, les intempéries et les arrachages éventuels. [...]
[...] Ainsi il traite, classe dans ces maladies les épidémies. Avec Sida à Soweto en 2002, il nous montre les ravages du SIDA en Afrique du Sud. Depuis les années 2000, Ernest Pignon-Ernest rend hommage, en faisant remonter à la surface des souvenirs enfouis, pour réactiver leur pouvoir symbolique : 2003 parcours Maurice Audin à Alger, en mémoire d'un jeune martyre français ayant pris fait et cause pour l'indépendance de l'Algérie durant la guerre ; 2006 parcours Genet. Et en 2007 extases, pour un artiste qui a toujours fait du corps l'objet et le sujet de ses explorations, une thématique telle que l'extase des femmes qui tendent à la sainteté, relève à l'évidence d'une quête et d'un défi, sans que cela ne s'apparente à un acte de foi. [...]
[...] Cette insertion vise à la fois à faire du lieu un espace plastique et à en travailler la mémoire, en révéler, perturber, exacerber la symbolique Analyse d'une œuvre particulière : Sida Le travail à Soweto est la suite d'un projet déjà ancien. En 1980, avec Antonio Saura et Jacques Derida, Ernest Pignon-Ernest avait créé un musée itinérant : artistes du monde contre l'apartheid Ils avaient inscrit dans les statuts de cette collection, qu'elle appartiendrait au premier gouvernement démocratique d'Afrique du Sud issu du suffrage universel ; c'était en 1980. Ernest Pignon-Ernest a donc remis ces tableaux là-bas, ils sont actuellement dans les locaux du parlement à Cape Town. [...]
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