Création artistique et liberté politique : comment se sont articulées ces deux notions dans la pensée des Lumières ?

Thèmes abordés

Création artistique, liberté politique, pensée des Lumières, Ancien Régime, Camille Desmoulins, Antiquité, Jean Bodin, propagande politique, humanisme, sculpture, peinture, architecture, rationalité

Résumé du document

La pensée des Lumières, qui s'épanouit dès le XVIIIe siècle, fait abondamment référence à l'Antiquité pour justifier un ensemble de réflexions transversales. Ces réflexions, suivant Desmoulins, n'auraient rien de "nouveau" dans l'histoire de l'humanité, nihil sub sole novum ; justification qui permet d'échapper à l'accusation d'une révolution anhistorique et en rupture par rapport au continuum des traditions de la pensée philosophique et artistique.

Extraits

[...] Ce premier temps se penchera sur les arguments et les références antiques usitées par les penseurs des Lumières dans le cadre de l'élaboration d'une perspective téléologique de l'histoire et de la culture. La perspective d'une justification de la pensée des Lumières par l'apport antique sera au cœur de l'analyse Le deuxième temps du devoir examinera les conditions d'élaboration de cette continuité construite, à la fois dans un rapport de justification de la pensée des Lumières par la création artistique, mais l'inverse également : l'élaboration de nouveaux courants artistiques émerge dans un rapport étroit avec les concepts développés par la pensée des Lumières. [...]

[...] Ces réflexions, suivant Desmoulins, n'auraient rien de nouveau dans l'histoire de l'humanité, nihil sub sole novum ; justification qui permet d'échapper à l'accusation d'une révolution anhistorique et en rupture par rapport au continuum des traditions de la pensée philosophique et artistique. De fait, autrement que par l'Antiquité Homère, Cicéron, Plutarque , c'est la création artistique qui sous-tend, en légitimité, la construction d'une idée de la liberté politique. Mais les liens entre les deux élans (création artistique d'un côté et liberté politique de l'autre) nécessitent d'abord une explicitation des concepts. Qu'entend-on par création artistique ? La création artistique implique une conception moderne de l'art dissociée de l'artisanat dont la distinction n'est pas actée, par exemple, dans le monde antique. [...]

[...] Pour autant, l'autre sens est également valable : les arts sont justifiés dans leur insertion dans la pensée des Lumières. Ainsi l'art s'est-il paré des concepts de rationalité et de rectitude tant vantées par les Lumières dans l'extension de la raison. Le Philosophe faisant un exposé sur le planétaire dans lequel le soleil est remplacé par une lampe (1766) de Joseph Wright of Derby démontre toute la puissance de ce lien entre extension de la rationalité et totalisation de la compréhension du monde d'un côté et, de l'autre, élaboration d'un art réflexif en dialogue avec son temps. [...]

[...] Création artistique et liberté politique entretiennent donc des relations complexes. Entre dialogue constructif du côté de la création artistique (la création artistique nourrie par la liberté politique) et du côté de la liberté politique (la liberté politique nourrie par la création artistique), il existe une réciprocité qui permet d'aller au-delà d'une simple dialectique et permet la création d'un monde nouveau et d'un imaginaire sensible par les contemporains. Cependant, cette réciprocité ne doit pas altérer les liens de dissociation qui peuvent exister entre les deux. [...]

[...] Dans l'univers antique, l'art devient l'un des faisceaux les plus importants de cette réappropriation pour justifier les événements révolutionnaires représentatifs, en miroir, d'une certaine expression des Lumières en Europe. Reprendre Cicéron ou Tite-Live, par exemple, est une manière de transposer les hauteurs de vue romaine dans la pensée d'un régime qui reprend la République romaine pour la dépasser et moderniser, la franciser. Les décades de Tite-Live ont tellement occupé mon cerveau, pendant mes études , écrit Louis-Sébastien Mercier, qu'il m'a fallu dans la suite beaucoup de temps pour redevenir citoyen de mon propre pays, tant j'avais épousé les fortunes de ces anciens Romains (Tableau de Paris, Amsterdam, pp. [...]