L'apanage de cette toile, signée Robert Delaunay, est incontestablement la synergie absolue entre l'héritage artistique légué par des siècles d'histoire et une aspiration certaine quant à l'interaction entre la société et l'art qui lui est contemporain. En résulte cette œuvre, la ville de Paris, dont l'essence n'est autre qu'un alliage ayant une sémantique fondamentalement éloquente puisqu'elle traduit la dualité qui anime l'artiste ; à savoir une âme iconoclaste amarrée à une tendance référentielle relative à cette tradition artistique. Ainsi, Robert Delaunay opère la réalisation d'une œuvre où se lit en filigrane son attachement à la culture occidentale tout en y incorporant une modernité indéniable. Une modernité qui se dévoile notamment par la présence d'un élément qui fut l'un des sujets de prédilection de l'artiste, il s'agit de la tour Eiffel. En effet, le XIXe siècle inaugure l'entrée de la France dans une nouvelle ère, celle de l'industrialisation.
[...] Ainsi, l'interpénétration des facettes entre elles est de moindre ampleur chez Delaunay que chez son homologue cubiste. Delaunay semble donc vouloir conserver une certaine retenue face à cette notion de rupture, puisqu'il atténue le jusqu'au-boutisme de Picasso, et reste attaché à la tradition culturelle occidentale de par cette référence à Botticelli, mais aussi par l'utilisation du nombre d'or et cette structure ternaire, caractéristique des triptyques. Cette dualité s'exalte au travers de cette union entre le cubisme et le nombre d'or. [...]
[...] Toutefois, elle s'articule par rapport au découpage ternaire. Ainsi, l'extrémité gauche de cette toile est composée de quatre plans ; le premier constitué par les quais, puis, arrive la barque, et enfin le pont qui précède un paysage urbain, en arrière-plan. Quant à la partie centrale de cette peinture, elle se compose de ces trois femmes, isolées par la découpe ternaire, mais qui pourtant sont parfaitement intégrées dans la composition. Enfin, dans la troisième partie de l'œuvre, le premier rouage de cet effet de profondeur se matérialise en l'élément architectural, suivi de la Tour Eiffel. [...]
[...] S'opposant de fait au cubisme qui fait primer le plastique sur le pictural, puisque son désir de rendre l'œuvre autonome par rapport à la nature nécessite de supprimer la couleur qui est inhérente à cette dernière. Ainsi, avec son instinct pictural, Delaunay s'oppose à un cubisme cérébral. De plus, l'artiste manifestement influencé par le mouvement fauviste, se constituera un véritable langage pictural au fil de ses œuvres. Pourtant, ce respect des couleurs locales reste relativement approximatif, en témoigne la tour Eiffel, puisque la composition même de cette toile ne permet pas à Delaunay de restituer fidèlement les couleurs de la réalité. Mais c'est par la libéralisation de la couleur qu'il pourra pleinement s'exprimer. [...]
[...] Mais puisque l'art est le reflet de toute société, il se doit de s'adapter et d'évoluer en fonction de celle-ci. La modernité ne peut alors exister qu'en présence de son antonyme, puisque c'est par la comparaison que l'on peut l'identifier comme telle. Ainsi, c'est de la confrontation entre la tradition et la modernité que cette toile acquiert un caractère novateur. En effet, Delaunay tentera d'aller au-delà de cette opposition, puisqu'il s'affranchira des règles académiques issues de cet héritage artistique dans ses travaux futurs, mais prend également certaines libertés face aux principes du cubisme qui, lui, contemporain, et donc marque de modernité. [...]
[...] Ainsi, cette combinaison entre une composition ternaire et le nombre d'or est la réalisation artistique, l'incarnation matérielle de cette appellation de divine proportion. De fait, le nombre d'or et cette assimilation au triptyque s'inscrivent dans la structure même de l'œuvre, dans son fondement, prouvant que, selon Delaunay, l'art est la matérialisation de l'immortalité, et en reprenant ces deux procédés ancestraux dans ce tableau, il perpétue ce concept. En effet, l'œuvre d'art, preuve d'une réalité sensible est l'extériorisation de ce qui anime l'artiste, de ce qui constitue son monde rationnel. [...]
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