Il est une manière un peu naïve mais courante (et sans doute naturelle) de rapprocher ou d'associer dans l'appréciation d'une oeuvre d'art, « beauté » et
« vérité ». D'un portrait, par exemple, ou d'un paysage, on sera d'abord tenté de dire qu'il est « beau », ou que « c'est beau » (pour dire : réussi, réalisé avec talent, avec art) s'il « fait vrai », s'il a l'air vrai, si l'on croit voir le réel devant soi. C'est beau par exactitude, jusque dans le détail ; c'est beau par la conformité de l'artefact au modèle, par sa puissance de reproduction, de ressemblance, d'identification.
Ici, donc, l'oeuvre doit sa beauté à son adéquation parfaite à ce qu'elle représente, c'est-à-dire à sa « vérité » : l'oeuvre belle ne semble pas seulement « vraie » ; elle est belle à proportion de sa vérité, c.-à-d. en tant qu'elle montre la chose comme elle est. L'idée est classique. Elle correspond sans doute à l'évaluation spontanée, immédiate, facile de chacun, mais elle court surtout à travers toute l'histoire de l'art.
[...] Car il n'a pas lieu de l'appeler beau, si ce dernier ne fait que lui plaire, à lui. Il y a beaucoup de choses qui peuvent avoir pour lui de l'attrait et de l'agrément, mais, de cela, personne ne s'en soucie ; en revanche, s'il affirme que quelque chose est beau, c'est qu'il attend des autres qu'ils éprouvent la même satisfaction ; il ne juge pas pour lui seulement, mais pour tout le monde, et il parle alors de la beauté comme si c'était une propriété des choses. [...]
[...] Dans le Salon de 1846, considérons le texte qui s'intitule : Du portrait ; il commence ainsi : Il y a deux manières de comprendre le portrait : l'histoire et le roman L'école historique, d'un côté (c'est-à-dire David, ou Ingres, par exemple), s'attache à rendre fidèlement, sévèrement, minutieusement, le contour et le modelé du modèle L'école romantique, de l'autre côté (c'est-à-dire Rembrandt par exemple), est plus ambitieuse ; c'est l'école des coloristes ; et ceux-ci, dit Baudelaire, ont davantage recours à l'imagination. Le parallèle entre les deux écoles se développe selon une série d'oppositions : histoire/roman, dessin/couleur, crayon/pinceau, modèle / idéal. Cette dernière dualité est, pourrait-on dire, dialectique et c'est celle qui décrit le mieux la dynamique du portrait. [...]
[...] Ce dernier, d'ailleurs, se démontre scientifiquement. Pas le beau, qui se discute. Je ne peux établir que telle chose est belle comme on prouve la vérité de telle ou telle proposition. Si l'homme de goût a une dimension altruiste, s'il est l'homme d'un sentiment public, celui qui sait transformer l'intériorité en intimité élargie, il n'est pas, comme le savant, commandé et conduit par l'évidence du vrai. [...]
[...] C'est beau par exactitude, jusque dans le détail ; c'est beau par la conformité de l'artefact au modèle, par sa puissance de reproduction, de ressemblance, d'identification. Ici, donc, l'oeuvre doit sa beauté à son adéquation parfaite à ce qu'elle représente, c'est-à-dire à sa vérité : l'oeuvre belle ne semble pas seulement vraie ; elle est belle à proportion de sa vérité, c.-à-d. En tant qu'elle montre la chose comme elle est. L'idée est classique. Elle correspond sans doute à l'évaluation spontanée, immédiate, facile de chacun, mais elle court surtout à travers toute l'histoire de l'art. [...]
[...] Ce portrait n'a plus seulement l'air vrai, tant il est fidèle, il est vrai, il est la chose même : il a littéralement tiré sa beauté de celle de son modèle, au point de prendre sa place et, cessant d'être seulement ressemblant, d'être le réel lui-même : le portrait parfaitement réussi, absolument beau, ne ressemble plus seulement à son modèle ; il ne lui ressemble plus du tout, d'ailleurs, il l'est devenu, au terme d'un transfert d'être, comme si la ressemblance s'était progressivement accrue, alimentée de la substance même du modèle. Les critiques d'une telle conception naturaliste ou vériste que la fiction de Poe, évidemment, hyperbolise ne manquent pas. Parmi des centaines d'autres (où l'on montrerait par exemple que le beau est de l'ordre, non pas de l'exacte reproduction, de la pure mimésis, mais de la révélation ; que faire beau ne revient pas à faire vrai, mais qu'on peut, voire qu'on doit, se détacher d'une démarche référentielle, iconique, etc.), ne retenons que celle de Baudelaire. [...]
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