Premier site de la promenade de Vernet, Diderot, compte-rendu de Salon, 1767, promenade à travers les oeuvres
La volonté de rendre un texte de critique d'art vivant et accessible n'est pas chose nouvelle. En effet, au cours du XVIIIe siècle, la critique d'art est devenue un genre littéraire pouvant prendre des formes diverses telles que la forme épistolaire, dialogique. Le Premier site de la promenade de Vernet est un récit de la visite du Salon de 1767 raconté par Diderot dans lequel intervient ponctuellement un abbé. La critique d'art de Diderot est une forme subtile de dialogue permettant une confrontation de point de vue. Le texte mêle donc plusieurs genres littéraires : la lettre, le dialogue, le récit, l'autobiographie ; un mélange subtil qui donne au texte de la vie et de la spontanéité. Il s'inscrit dans les Salons de Diderot ; il s'agit en fait du 4e Salon que Diderot rédige seul : il ne s'agit plus d'une correspondance littéraire avec Grimm comme ce fut le cas pour ses premiers salons. Il faut rappeler que Diderot (1713-1784) est un philosophe des Lumières qui a participé à l'écriture de l'Encyclopédie jusqu'en 1765-1766, puis il est devenu critique littéraire et artistique pour Grimm à partir de 1759. Il a continué à écrire sur des Salons en 1761, 1763, 1765, 1767, 1769, 1771, 1775, et 1781, il a également écrit des essais, pièces de théâtre, roman, etc. L'analyse des notions proches de l'art telles que l'esthétique, le beau, la vue ont été très largement étudiés par Diderot dans ses ouvrages. Ici, l'extrait porte sur le Salon de 1767 qui présentait les tableaux de Vernet. Diderot fait une description précise des tableaux et une critique.
[...] Avez-vous jamais rencontré dans la nature des figures aussi belles, aussi parfaites que celles-là Diderot admire le pouvoir créateur de l'artiste ; il fait d'ailleurs une analyse de ce sentiment : qu'est-ce qui est admirable chez l'artiste ? Comment se manifeste l'admiration ? L'admiration envers une œuvre unique Comme on l'a vu précédemment, ce qui est admirable est surtout le pouvoir créateur de l'artiste, qui est un démiurge le temps d'un tableau. Mais au-delà de la création, c'est la création d'un objet unique qui est stupéfiant. [...]
[...] L'artiste est en cela un démiurge ; il est créateur. Mais en raison de sa nature humaine, il est d'autant plus admirable. Diderot fait une comparaison entre la création d'une pyramide par la main de l'homme et la création d'une montagne par Dieu (l.30-38). La faiblesse de l'homme et la grandeur de la réalisation sont plus impressionnantes que la toute puissance de Dieu créant une chose gigantesque. Pour appuyer son propos, il fait également appel à des faits anecdotiques ayant pour objet les élèves de l'abbé, appliquant sa théorie à des faits plus concrets et réels : Vos petits élèves ne vous ont-ils jamais dit un mot qui vous ait causé plus d'admiration et de plaisir que la sentence la plus profonde de Tacite? [...]
[...] Selon Diderot, la peinture est une illusion, voire une tromperie de la part du peintre. La peinture est une illusion picturale. le copiste rigoureux de cette scène l.21. Ce qui peut faire penser aux descriptions des natures mortes de Chardin ; il ne décrit plus une surface, mais un espace : il en dit même que c'est la nature même et que les objets sont hors de la toile et d'une vérité à tromper les yeux dans son Salon de 1763. [...]
[...] Mais Diderot le reprend en parlant de nécessairement l.82, faisant référence à la loi de la nécessité l.71 énoncée précédemment. L'admiration est en réalité subjective. Elle dépend de la personne, de sa culture, de son rapport avec la chose : il reprend pour cela le raisonnement par l'absurde Un habitant de Saturne, transporté sur la terre, sentirait ses poumons déchirés, et périrait en maudissant la nature. Un habitant de la terre, transporté dans Saturne, se sentirait étouffé, suffoqué, et périrait en maudissant la nature (l. [...]
[...] En conclusion, Diderot s'inscrit dans la tendance du XVIIIème consistant à ne pas écrire sans savoir, s'abstenant ainsi d'un langage trop technique appelé jargon artistique Il écrit non pas un compte rendu de salon, mais une promenade racontée avec des anecdotes, des interventions de l'auteur et d'autres personnages rendant ainsi le texte vivant. En fait, le texte de Diderot va au-delà de la simple critique des œuvres. Certes, il fait une description et donne son avis sur l'artiste, mais ses Salons sont également prétexte à une réflexion, notamment sur les questions sur le rapport nature et représentation, Dieu et homme, unicité et multiplicité et plus généralement sur l'art. On peut se demander si la critique d'art n'est pas devenue un prétexte à la réflexion. [...]
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