La porte de l'enfer - Auguste Rodin

Thèmes abordés

La porte de l'enfer, Auguste Rodin, art contemporain, porte en bronze, porte en plâtre

Résumé du document

À Paris, une imposante porte en bronze, peuplée de mille figures grimaçantes, comme sorties tout droit des enfers. À Meudon, une porte en plâtre plus dénudée, seulement surmontée de trois figures qui surmontent une surface abstraite.
Pour bien comprendre, il nous faut d'abord bousculer un peu notre schéma de présentation habituel.
Car, pour dire vrai, il n'existe pas une porte de l'enfer, mais deux !

Elles ont été réalisées par un même homme, Auguste Rodin, mais, si l'on excepte leurs dimensions, elles sont bien différentes.

La porte en bronze, exposée à Paris au musée Rodin, paraît la plus aboutie. Pourtant, elle n'est qu'une première version de l'œuvre. Rodin ne l'a jamais exposée. Il ne l'a même jamais vue sous cette forme : elle fut fondue en 1930, bien après la mort du sculpteur.

La porte en plâtre de Meudon paraît curieusement inachevée. Et pourtant c'est la seule des deux qui a été présentée par l'artiste au public, en 1900, trente ans après la première. Ensuite, jusqu'à sa mort, Rodin n'aura de cesse de la remodeler, de la reprendre, de la modifier.

Extraits

[...] Outre qu'elles allègent le tympan d'une porte spécialement massive, elles représentent l'un des ensembles sculptés les plus novateurs de Rodin. En effet, chaque figure, exactement identique, est issue du même moule. Ainsi, comme elles sont légèrement désaxées les unes par rapport aux autres, il devient possible de capter les différentes phases du corps d'un seul coup d'œil, sans être obligé de tourner autour de l'œuvre. Novateur aussi par la simplification des formes. Profitant d'un simple accident qui fait tomber les mains des ombres, Rodin ne cherche pas à masquer l'amputation. [...]

[...] Sa Porte de l'Enfer 1900 est donc une réaction naturelle défensive face à ce qui l'entoure. Mais cette épuration des lignes puise ses sources dans des changements plus profonds encore. L'homme a changé. Le futile, le superflu, ne l'intéressent plus. Comme son ami Claude Monet qui recherche inlassablement la lumière en peignant encore et encore la cathédrale de Rouen à toutes les heures du jour, Rodin veut aller à l'essentiel. Pour lui, les bras et les jambes ne sont pas nécessaires pour exprimer un homme qui marche. [...]

[...] Elles ont été réalisées par un même homme, Auguste Rodin, mais, si l'on excepte leurs dimensions, elles sont bien différentes. La porte en bronze, exposée à Paris au musée Rodin, paraît la plus aboutie. Pourtant, elle n'est qu'une première version de l'œuvre. Rodin ne l'a jamais exposée. Il ne l'a même jamais vue sous cette forme : elle fut fondue en 1930, bien après la mort du sculpteur. La porte en plâtre de Meudon paraît curieusement inachevée. Et pourtant c'est la seule des deux qui a été présentée par l'artiste au public, en 1900, trente ans après la première. [...]

[...] La nuance est de taille. Elle induit le pessimisme de Rodin face à la condition humaine. Par comparaison, le battant de gauche semble moins sombre. Il représente un couple tendrement entrelacé. On pourrait s'arrêter à cette vision idyllique des rapports homme-femme. Mais cette scène annonce une fin tragique puisque l'on reconnaît Paolo avec son amoureuse, Francesca de Rimini, les amants maudits qui furent massacrés par le mari de Francesca lorsqu'il découvrit son infortune. Le baiser ici représenté dans toute sa beauté et son intensité n'en symbolise pas moins l'adultère qui mènera les deux amants droit aux enfers. [...]

[...] Il repart de zéro. L'existence d'une deuxième porte montre clairement que la première ne satisfaisait pas le sculpteur. Après la fin du projet de musée, et comme il faut bien vivre en attendant, Rodin accepte d'exposer en compagnie de son ami Claude Monet. La porte appartenant à l'Etat, il utilise les figures, détachées de leur support, qui remportent un véritable succès commercial. Le Baiser et Le Penseur que nous avons évoquées plus haut seront fondues à de nombreux exemplaires et à différentes échelles. [...]