Interrogé en juillet 1573 par l'Inquisition de Venise au sujet de son tableau "La Cène ", rebaptisé "Le Repas chez Lévi", Véronèse se défend des accusations dont il fait l'objet, non pas en clamant son orthodoxie religieuse, mais en se revendiquant d'une recherche de la beauté qui nécessiterait un "ornamento". Les propos de Véronèse incarnent ainsi les raisons d'une certaine sécularisation de l'art religieux durant la période de la Renaissance.
Paolo Caliari (1528-1588), coloriste hors pair et représentant du maniérisme vénitien, se verra attribuer son surnom du fait de son lieu de naissance, Vérone. Placé très tôt par son père dans l'atelier de peinture de son oncle comme apprenti, il immigre à Venise en 1553 pour devenir au début des années 1560 un des chefs de file de la peinture vénitienne.
Véronèse participe à cette "esthétique de la diversité" qui caractérise alors la tradition vénitienne, esthétique permise par un environnement particulièrement ouvert aux influences extérieures. "Les Noces de Cana", dont il sera sujet ici, peint entre 1562 et 1563, est la première d'une série d'huile sur toile représentant des scènes bibliques de banquets, destinées, pour la plupart, aux réfectoires de couvents.
[...] Selon le récit de l'évangile[3], Jésus, invité à des noces à Cana en Galilée avec sa mère et ses disciples, changea l'eau de 6 jarres en vin quand celui-ci vint à manquer à la fin du repas. Huile sur toile de 66 m2 exécutée avec des pigments de premier choix, le tableau comporte 130 personnages et constitue le plus grand chef-d'oeuvre de Véronèse. Le contexte historique particulier dans lequel s'inscrit ce tableau est celui de la fin de la Renaissance sur le plan artistique, et de la contre-réforme sur le plan religieux, le Concile Trente s'étant clos en 1563. [...]
[...] L'attitude calme de Jésus et de sa mère, les nimbes dont leurs têtes sont entourées ainsi que leurs humbles vêtements contrastent dramatiquement avec l'agitation et le luxe qui les entoure. L'annonce du miracle se déroule à la manière d'une comédie en deux épisodes, de part et d'autre de la table. Sur la droite, un échanson observe le vin miraculeux versé dans un verre, tandis que sur la droite, un intendant corpulent annonce le miracle aux époux dans une position théâtrale. L'attention du spectateur est attirée sur les mariés du fait de la lumière, dirigée sur le couple et venant du coin droit de la partie haute du tableau. [...]
[...] Les convives sont disposés autour d'une grande table en forme de fer à cheval tandis que cuisiniers et serveurs s'affairent sur la terrasse, derrière la balustrade. La partie centrale de la composition, devant la table en est occupée par ceux qui animent le banquet: les musiciens, les bouffons et les fous. Plusieurs animaux donnent à la scène une note pittoresque, notamment un perroquet sur la main d'un nain. Dames et seigneurs assistent également à la scène dans les tribunes supérieures. [...]
[...] Le banquet vénitien comme décor du miracle : symbolisme religieux et Art du présent Un tableau chargé de symbolisme religieux En tant que représentation d'un épisode de l'évangile ce tableau est chargé de symbolisme religieux. L'épisode des noces de Cana en lui-même, au- delà d'une première révélation de la nature divine du Christ, constitue une préfiguration de la Cène et plus généralement du sacrifice christique. Ainsi, au-dessus de la tête du Christ, on voit des bouchers découpant de la viande avec des couperets et une gourde remplie de vin, viande et vin faisant ici allusion à la Passion du Christ. [...]
[...] En cela, le tableau constitue clairement une réflexion sur la précarité de la vie humaine et de la vanité de la vie terrestre, le Christ et la vierge, par leur attitude et leur vêtement, semblant être les seuls hors du temps et séparés du luxe déployé au banquet. De manière similaire, ancrer la scène dans le présent donne une valeur supplémentaire au miracle, puisque celui-ci se voit donner une signification intemporelle. Une esthétique de la Renaissance qui tend à avoir priorité sur le fait religieux Il n'en demeure pas moins que cette composition particulière répond également à un choix esthétique propre à la renaissance, et qui a pu être critiqué du vivant de Véronèse, puis après sa mort. [...]
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