Réalisateur adulé par un nombre constant de spectateurs et exaspérant pour d'autres, Woody Allen est un artiste prolixe jouissant d'un statut particulier auprès du public, renouvelé régulièrement depuis plus de trente ans au rythme d'un film par an. Cette considération ambivalente dépasse le cadre critique des oeuvres, et provient aussi de la figure même de Allen qu'elles contribuent à établir. Ceux qui déclarent ne pas apprécier Allen le décrivent souvent comme répétitif, bavard obsessionnel, égocentrique voire ennuyeux, alors que ses adeptes sont attachés au caractère évocateur, presque envahissant de ce personnage à la fois auteur, réalisateur, et acteur. On peut alors penser que ces deux appréhensions sont nourries par un amalgame fait entre les films, les personnages, et Allen lui-même. Sa très grande présence à l'écran, la création d'un univers caractéristique, marqué par des acteurs, des musiques, des réflexions, des lieux récurrents, contribuent à renforcer la stigmatisation du personnage de Allen et l'association entre sa vie et son oeuvre, malgré la très grande variété de thèmes, styles, époques, traitements de l'image, de la narration qu'il a employée.
En tentant de définir, la part de mise en scène, de fiction et de réalisme dans ses films, ses sketches et ses écrits, on peut donc chercher à mieux comprendre et appréhender la complexité de son oeuvre. L'amalgame évoqué ci-dessus se crée à deux niveaux, qu'il convient d'étudier séparément, la création par Allen d'un univers caractéristique d'apparence autobiographique, et la mise en scène d'un personnage transcendant ses réalisations. L'étude de ces deux aspects des oeuvres de Woody Allen permet de relativiser la dimension réaliste de ces oeuvres et de mieux apprécier le travail de création effectué. Il convient alors d'étudier les thématiques, obsessions, peurs, réflexions communes aux oeuvres de Allen, qui sont d'avantage significatives et riches pour comprendre son propos.
L'appréhension de la part de fiction dans ces oeuvres demande de relativiser à la fois les impressions du spectateur, l'avis de l'artiste, et les études critiques déjà réalisées à son sujet. De même, il convient de cerner des thèmes communs aux films et écrits de Allen sans pour autant effectuer d'amalgames ou d'intellectualisation trop facile, tout en prenant en compte le fait que les déclarations contardictoires de Allen lui-même au sujet de la portée autobiographique de ses oeuvres, la diversité et le nombre important de celles-ci rendent cette étude délicate.
Elle a été réalisée en confrontant une réflexion personnelle sur les films et éléments écrits de Allen, des ouvrages réalisés par des critiques cinématographiques sur son oeuvre, des articles écrits à propos du réalisateur, et des interviews d'Allen qui illustrent ou contredisent ce qu'une étude de son oeuvre peut évoquer.
[...] La paranoïa exprimée chez Allen est une autre forme de névrose. Elle est surtout relative au judaïsme, l'humour juif intégré et renouvelé par Allen cherchant l'autodérision par la protection et transcrivant une crainte de persécution nouvelle. Allen transformé en rabbin dans "Prends l'oseille et tire- toi" On a l'impression qu'il aime jouer avec ses origines car cela est source de comique. Non pratiquant, et lucide quant à sa famille, il est néanmoins l'héritier d'une culture créant une forme de paranoïa par rapport à l'antisémitisme. [...]
[...] L'identification de Woody Allen avec cette création est donc trop facile, et c'est par les réflexions évoquées par ce personnage qu'Allen s'exprime, plus que par sa personnalité. Ce sont donc les thématiques abordées dans ses oeuvres qui témoignent des préoccupations de Allen de manière authentique, thèmes que les personnages et l'environnement des films permettent de mettre en scène de manière plus ou moins divertissante. Ainsi, le devenir de l'individu, la mort, la morale, les relations amoureuses, le sexe, les problèmes de communication, l'importance de l'imaginaire, la psychanalyse, les fantasmes, l'hypocondrie, la paranoïa sont des éléments récurrents dans les oeuvres de Allen mais mis en scène de manières variées. [...]
[...] Le bonheur n'est pas à la portée de l'homme mais il existe une certaine jouissance à se complaire dans ses tracas et à considérer le fantasme meilleur quand il n'est pas réalisé. Ainsi, les questions sur le bonheur et le devenir de l'individu sont au centre de son oeuvre. Il a dit lui-même que le bonheur est impossible. Dans "Annie Hall", Alvy déclare: "Dans la vie il y a deux choses: l'horreur et la tristesse. Ce sont les deux catégories fondamentales". [...]
[...] Allen a déclaré dans ce sens: "Il n'y a que les gens qui m'intéressent"[38], même s'il paraît parfois misanthrope voire misogyne. Les personnages de Allen sont souvent présentés comme égocentriques, les problèmes des autres les marquant surtout par les répercussions qu'ils ont sur leur individualité, à l'instar du personnage de Mia Farrow dans "Maris et femmes". De même on pourrait croire que Allen souhaite montrer sa désillusion dans l'humain par le suicide de Levy, qui lui croyait que l'homme donnait un sens à la vie en la remplissant d'amour. [...]
[...] Et en plus, les films sont flous.!" Selon Allen, à l'époque du cinéma de son adolescence, le sexe était un sujet tabou. Il est encore peu traité lorsqu'il sort "Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe (sans jamais oser le demander)", par lequel il s'attaque au puritanisme et à une conception sexiste du sujet prédominante aux Etats-Unis, mais aussi par lequel il tourne en dérision les ouvrages littéraires édités à cette époque sur le sujet, afin de le dédramatiser. [...]
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