L'origine du terme « cyberpunk » reste incertaine. Le mot serait apparu pour la première fois comme titre d'une nouvelle de Bruce Bethke écrite en 1980 et publiée trois ans plus tard dans la revue de science-fiction Amazing Stories , puis popularisé par le critique littéraire Gardner Dozois dans un article paru en 1984 dans le Washington Post . Le cyberpunk désigne alors un nouveau courant dans la nouvelle de science-fiction, où le salut de l'humanité ne demeure plus dans la domination d'autres planètes. L'avenir de l'homme réside tout simplement dans la (re-)conquête de sa propre société, relativement proche de la nôtre d'un point de vue spatio-temporel, bien que dirigée par la machine et l'informatique. Le terme a donc été attribué dans un premier temps à un mouvement littéraire dont les fondateurs sont essentiellement les auteurs américains Bruce Bethke et William Gibson pour son roman Le Neuromancien .
La problématique retenue est la suivante : si les acteurs du courant cyberpunk sont attirés par le Japon contemporain et s'en inspirent pour décrire une structure malade, peut-on dire que les cinéastes japonais de films cyberpunk se nourrissent de l'image exacte de leur société pour réaliser leurs œuvres ? L'hypothèse en découlant est que ces artistes, à travers leurs fictions, posent exactement le doigt sur les problèmes sociaux existant dans leur pays.
Un rapide historique du Japon de l'époque Meiji à nos jours démontrant la vitesse à laquelle le pays s'est modernisé permettra d'en appréhender les conséquences sur la société actuelle : le cadre de vie des Japonais et les valeurs véhiculées. Ensuite, une rétrospective du cinéma japonais pourra mettre en évidence le rapport qu'entretient le Septième Art avec le public, ainsi que quelques-unes de ses particularités : une certaine tradition de la dénonciation sociale ou encore une utilisation croissante de la violence comme trait stylistique. Nous verrons dans quelles mesures ces particularités s'appliquent au cinéma cyberpunk. Pour finir, une analyse des thèmes et éléments récurrents dans différentes œuvres cinématographiques cyberpunk permettra de percevoir comment ces réalisateurs considèrent la machine et quel est son rapport à l'homme d'une part, puis quelles places sont encore accordées à l'être humain et à ses valeurs au sein de cette société. En guise de conclusion, un court aperçu d'autres moyens d'expression artistique dans le courant cyberpunk permettra de vérifier si le discours pessimiste des cinéastes se retrouve ailleurs.
Les outils utilisés pour mener à bien cette recherche sont donc historiques (Histoire générale et histoire du cinéma), sociologiques et sémiologiques. Les sources historiques et sociologiques sur le Japon peuvent se trouver aisément en bibliothèques ou dans les boutiques et surfaces spécialisées. D'ailleurs, depuis quelques années, un intérêt tout particulier pour le Japon contemporain et sa culture populaire a permis la rédaction d'ouvrages très intéressants. À propos du cinéma japonais lui-même, il n'existe par contre que des ouvrages généralistes, et les informations concernant le mouvement cyberpunk ne peuvent se trouver qu'auprès de sites Internet ou de courts articles sur la culture contemporaine nippone. Dans la grande majorité des cas, les analyses déjà existantes proviennent de travaux de passionnés et / ou d'étudiants. J'ai toutefois eu la possibilité de réunir quelques articles et critiques cinématographiques grâce à la Cinémathèque de Nice.
Concernant la conclusion, où je fais mention d'autres moyens d'expressions artistiques, je me suis appuyé sur des œuvres exposées à la Maison de la culture du Japon à Paris, du 28 Octobre 2003 au 31 Janvier 2004, dans le cadre d'une série de manifestations intitulées Hommes et Robots, de l'utopie à la réalité. Celles-ci avaient pour thème le rapport qu'entretient l'Homme avec son environnement automatisé.
Le corpus filmographique a été choisi en fonction de la renommée des œuvres, de la pertinence du propos, mais surtout de leur disponibilité. En effet, bien que la production animée japonaise tende à se populariser en France, le cinéma japonais en général est encore loin de faire l'unanimité. Hormis les grands classiques, le nombre de films distribués en France pour le marché de la vidéo ou du DVD est plutôt maigre – sans parler de l'exploitation en salles. Même si récemment des distributeurs indépendants et des cinéphiles ont permis de révéler certaines œuvres en France, le cinéma japonais est encore trop souvent "tributaire des caprices des festivals (…), des distributeurs, et surtout d'une critique qui fonctionne trop souvent par modes successives" . Signalons toutefois que l'existence de festivals spécialisés (comme le festival du cinéma asiatique de Deauville), et la multiplication des manifestations liées au Japon a depuis quelques années permis une plus grande (re-)connaissance du cinéma japonais.
Bien que le corpus filmographique retenu ne soit constitué que d'une partie d'œuvres distribuées en France, les thèmes qui y sont abordés doivent de toute façon être communs à l'ensemble de la production cyberpunk nippone.
[...] L'image récurrente de l'héroïne plongeant dans l'eau est emblématique de ce besoin d'apesanteur et de retour à la vie primaire, voire intra-utérine, pour échapper à cette existence faite d'incertitudes, et à la prison de ce lourd corps métallique. Substituer son corps biologique à une enveloppe d'acier n'est donc pas un acte exempt de dangers. La remise en cause de son humanité, voire la folie, peuvent en découler. La naissance de Kusanagi. Son corps cybernétique a été créé en milieu aquatique amniotique ? et renvoie à toute naissance biologique animale. Ghost in the Shell. [...]
[...] Ce Japon constitué de titanesques mégalopoles est également le cadre de nombreuses autres réalisations cyberpunk. Dans Tetsuo les personnages sont systématiquement écrasés par les mégastructures d'acier. Par l'utilisation de plans en contre-plongée, l'humain nous est ainsi présenté comme complètement insignifiant face à ces gigantesques bâtiments. Ce procédé filmique étant plus particulièrement utilisé lors de scènes d'action, nous avons l'impression que la fatigue des personnages vient véritablement de ce fardeau insupportable qu'est la ville, s'étendant à l'infini autant sur le plan horizontal que vertical. Les mégastructures d'acier et de béton, un fardeau pour les Tôkyôïtes. [...]
[...] Le gouvernement militaire met en place une politique nationale et impériale. La censure se renforce, et de nombreux artistes connus pour leur sympathie marxiste sont arrêtés. En octobre 1939, l'industrie cinématographique est directement placée sous le contrôle du gouvernement. Pour mieux en contrôler la production, il réduit à deux le nombre de compagnies major (la Shochiku et la Toho, la Nikkatsu ayant des problèmes financiers). Toutefois, le producteur Masaichi Nagata parvient à convaincre le gouvernement de créer une troisième compagnie, nationale, qui devient la Dai Nihon Eiga en 1942 Société cinématographique du Grand Japon l'ancêtre de la Daiei[63]. [...]
[...] [249] Videodrome, titre d'exploitation française : Videodrome, États-Unis, Canada durée : 87 mn, version originale : anglaise, couleurs, réalisé par David Cronenberg, produit par Claude Héroux, écrit par David Cronenberg, interprété par James Woods, Sonja Smits, Deborah Harry. [250] The Exorcist, titre d'exploitation française : L'Exorciste, États- Unis durée : 122 mn, version originale : anglaise, couleurs, réalisé par William Friedkin, produit par William Peter Blatty, écrit par William Peter Blatty, interprété par Ellen Burstyn, Max Von Sydow, Jason Miller. [...]
[...] Le film Kaïro[204] de Kiyoshi Kurosawa, à mi-chemin entre le fantastique et l'anticipation, illustre bien ce fait : un virus se propageant par Internet fait disparaître un à un ses utilisateurs. La peur des contaminés réside dans le fait de se retrouver seuls dans l'autre monde. Finalement, les survivants en viennent à se demander si les véritables exclus ne sont tout simplement pas les utilisateurs des nouvelles communications eux-mêmes, qu'ils disparaissent ou non. Ce propos sera plus largement débattu dans une prochaine partie, consacrée au manque de communication entre individus. [...]
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