Tout au long du film, Kubrick joue habilement des fuyantes et des symétries et il serait insensé de vouloir toutes les énumérer. Retenons simplement :
• Lorsque Jack regarde la maquette du labyrinthe pour la première fois, toutes les fuyantes architecturales convergent vers sa tête. Kubrick établit un lien graphique entre le labyrinthe et le cerveau de l'écrivain.
• Lorsque Jack hurle de terreur, Wendy le rejoint, puis Danny - qui a des marques de strangulation sur le cou. La mère prend son fils dans ses bras. L'image est alors coupée en trois segments, délimités en haut par les lumières quasi alignées et en bas par la tête de Jack et la machine à écrire. Le fils et sa mère sont directement au-dessus de la machine. Il y a beaucoup à dire de ce plan : la distance entre Jack d'une part et Wendy et Danny d'autre part représente à merveille la désagrégation de la cellule familiale. Dans le même plan, Kubrick nous donne le motif de cette désagrégation : la machine à écrire.
• Plus loin dans le film, Danny rejoint sa chambre pour y chercher son jouet. Il pensait y trouver son père en train de dormir, mais Jack est parfaitement réveillé, les yeux perdus dans le vague. Il appelle alors son fils et le prend sur ses genoux, ultime geste pour essayer de retrouver l'entente des premiers jours. Mais tout sonne faux : le dialogue ne passe pas, et Danny demande à son père s'il est malade. Le décor renforce la distanciation : la barre de la porte-fenêtre, dans le fond, sépare les deux personnages.
[...] Toute l'horreur des nombres dans le dernier plan du film donne au spectateur l'impression d'avoir été manipulé de bout en bout. La désagrégation de la cellule familiale La famille, qui apparaît comme relativement soudée au début du film (les trois personnages sont réunis dans l'espace confiné d'une voiture), va progressivement se décomposer en même temps que Jack devient fou. Kubrick aborde le thème de l'adultère - lorsque Jack embrasse la jeune femme de la chambre 237 celui du cannibalisme : cf la conversation dans la voiture : Papa ? Jack - Oui ? [...]
[...] Dans le roman de King, Dick ne meurt pas et sauve Wendy et Danny des mains de Jack. L'Overlook Hotel symbolise l'Amérique entière, continent neuf, bâti, comme beaucoup d'autres nations, sur le sang d'un peuple. D'ailleurs, le directeur de l'hôtel, Mr. Ullman, a toutes les caractéristiques d'un président américain : costume cravate, sourire de rigueur, belle apparence ; quant à son bureau, il ressemble à s'y méprendre à un bureau présidentiel : un drapeau américain miniature est posé dessus. La photographie finale fait le rapprochement de manière explicite entre deux époques : une manière de faire le lien entre les Américains d'aujourd'hui et ceux d'hier. [...]
[...] Il y embrasse une jeune femme très belle. Mais, en regardant dans le miroir, il y voit une femme vieille, pourrissante. La construction de l'empire américain s'est fondée sur le sang. Longtemps contenu, ce sang rejaillit dans le film en une vague cauchemardesque (le flot de sang est silencieux), qui va jusqu'à éclabousser la caméra, geste qui dénonce explicitement le spectateur comme auteur du génocide. Ce sang provient de l'ascenseur, qui semble être descendu sous l'hôtel pour ramener le sang du cimetière indien enfoui. [...]
[...] Il a bien fallu ; pour rester en vie. Jack T'en fais pas. Le cannibalisme, je connais. Je l'ai vu à la télé. Tu vois ; aucun danger, il a vu tout ça à la télévision Les noms des personnages sont eux-mêmes évocateurs de la désagrégation de la cellule familiale. Wendy, Tony, Danny (consonance longue en d'une part, et Jack (sonorité beaucoup plus sèche) d'autre part. Le dédoublement Thème très présent dans Shining, il se manifeste par les nombreux jeux de miroirs, les jumelles - filles de Delbert Grady, le personnage de Tony - qui vit dans la bouche de Danny et Grady qui est le double de Jack. [...]
[...] Danny - J'ai faim. Fallait manger au petit déjeuner. Wendy - On te donnera quelque chose à l'hôtel. D'accord, maman. C'est par ici que la neige a bloqué le groupe Donner ? C'était plus à l'ouest, dans les Sierras. Qui c'est le groupe Donner ? Des pionniers avec leurs chariots, dans la ruée vers l'or. Bloqués par la neige, dans la montagne, ils eurent recours au cannibalisme pour survivre. Ils se sont mangés entre eux ? [...]
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