Le cinéaste américain Martin Scorsese a passé son enfance à tergiverser : « que sera-t-il, missionnaire ou gangster ? ».
Devenu homme de cinéma, détourné donc de sa vocation religieuse, il continue à balancer entre ces deux influences. Après avoir fait plusieurs films, dont le long métrage autobiographique Who's that knocking at my door (1968) et Bertha Boxcar (1972), il ne sera cependant révélé qu'en 1973 par Mean Streets. Ce film marque aussi l'origine d'une longue collaboration avec l'acteur Robert De Niro, et marque le début d'un duo remarquable.
Dans Mean Streets, Il met en scène une bande de malfrats qui cherchent à se frayer un chemin dans le monde parallèle qu'est la mafia. Nous avons deux personnages principaux, Charlie (Harvey Keitel), réfléchi, calme, dont l'oncle est un mafieux et Johnny Boy (Robert De Niro), bagarreur, inconscient, criblé de dettes. Ils sont accompagnés de leurs acolytes autant attirés par le milieu. Ce long métrage oppose deux aspects du New York de l'époque; la famille, la religion, le côté traditionnel de la mafia, et les descendants d'immigrés italiens, évoqués par Charlie.
Même avec un budget modique, Scorsese réussit à créer une atmosphère, des effets de caméra intéressants et se sert du jeu formidable des acteurs. Il nous dépeint un univers qu'il connaît bien, ce qui donne une authenticité au film, désormais culte, puisqu'il est une charnière pour le cinéaste.
[...] Analyse de séquences Le premier plan est édifiant pour beaucoup de raisons, et donc primordial. La voix off (voix de Scorsese) commence avant que l'image n'apparaisse sur notre écran en disant On ne s'acquitte pas de ses péchés à l'église, mais dans la rue ou chez soi par ce procédé, le réalisateur crée une atmosphère d'intimité et de gravité puisqu'il n'y a ni musique, ni image. Aussi les mots prononcés par la voix off sont essentiels parce qu'ils résument en quelque sorte les différents aspects qui seront présents tout au long du film : la religion, le monde de la rue, et le chez-soi qui définit la propriété et un lieu familial. [...]
[...] Mais il ne croit pas au pouvoir de l'église, ceci est prouvé par ses propos irrespectueux the usual penance : ten our fathers ten Ave Marias ten whatever Charlie fait le signe de la croix plusieurs fois : dans la scène où le Christ apparaît par une contre plongée accompagnée d'un panoramique vertical, et dans celle dans laquelle le personnage semble entouré de cierges, il est mis au second plan, en plan rapproché poitrine, alors que les cierges se trouvent au premier plan. Ainsi, la communication avec le Christ est bien présente. Charlie éprouve de la culpabilité, il avoue qu'il se sent indigne d'une confession. [...]
[...] Il y a une idée de communauté, de famille très importante. Ceci est valable à l'image comme à la vie, en effet nous retrouverons souvent De Niro et Keitel dans les longs métrages de Scorsese, il les considère comme faisant partie de sa famille, et c'est pour nous une famille cinématographique importante et une association indissociable, des figures notoires de Little Italy. Aussi cette ambiance est clairement retranscrite dans le film, dans lequel les personnages sont soudés, ils font partie d'un groupe, d'un milieu ou tout le monde se connaît, les bandits font des affaires et se retrouvent sans arrêt, même si c'est un monde de violence constante. [...]
[...] Le bruit de la ville intervient soudainement dans l'intimité de la chambre, puis une sirène retentit pendant que le personnage se regarde dans le miroir, cela évoque la notion de double, on a l'impression qu'il se demande de quel coté il doit être : En effet, la voix off du début n'inspire pas l'idée d'obéissance aux lois établies, donc pas de protection, aussi les sirènes d'ambulances peuvent représenté l'anticipation de la scène finale : Il sera forcément confronté à des plus forts que lui en faisant partie de trafics, et il le sait. Le ton autoritaire de la voix de Scorsese installe le rôle du personnage principal qui, dans ce plan, prend conscience de l'importance de ce qu'il devra accomplir pour arriver à ses fins : se faire respecter dans le monde de la mafia. "Be my baby" des Ronnettes débute très fort lorsque Charlie se couche. Il y a un procédé de gros plans saccadés qui concordent avec le rythme de la musique, cela accentue l'impact du son. [...]
[...] Il est en quête de quelque chose et joue avec le feu, au sens propre lorsqu'il porte le doigt vers la flamme d'un cierge. Cela nous suggère qu'il jouera par la suite avec le feu au sens figuré. On peut remarquer que la douleur physique et spirituelle de l'Enfer, qu'il nomme par des mots, sont également visibles à l'image (physique par sa main qu'il dirige vers la flamme, spirituelle à travers ses yeux qu'il lève au ciel, vers Dieu). Le cierge rouge excentré, mais qui surgit à gauche de l'écran, préfigure le décor rouge de la séquence suivante. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture