Nombre de films de Jarmusch commencent par un travelling latéral sur le personnage principal, comme Stranger than paradise, Down by law, ou encore Dead Man, à tel point que ce mouvement d'appareil intègre la grammaire du réalisateur, et devient un élément de sa signature. En accordant le rythme de son déplacement à celui de la scène, le travelling semble le mouvement par essence le plus apte à produire un effet de transport sur le spectateur, et les travellings chez Jarmusch restent en mémoire car ce sont des plans longs, lents et contemplatifs, souvent en interaction avec la musique, chargés d'un fort quotient dramatique, même s'ils ne sont numériquement pas si fréquents dans son œuvre. Par travelling, on entend communément une prise de vue où l'appareil, caméra ou camescope, posé sur son pied et fixé sur un chariot professionnel à roulettes ou à pneus, se déplace sur des rails placés selon les besoins de la scène tournée. Les déplacements se font vers l'avant ou l'arrière de la scène, ou dans un mouvement circulaire. L'effet de vitesse d'un travelling dépend de la longueur focale de l'objectif, de la distance entre la scène et l'appareil et de l'angle des personnages ou objets au moment où ils passent devant celui-ci. Chez Jarmusch, c'est le travelling latéral qui domine, et nous nous demanderons en quoi le travelling contribue à définir sa poétique. Ce mouvement d'appareil permet en effet d'accorder les rythmes de la caméra, du personnage et de la musique, dans une définition de l'univers mental du personnage, et de son rapport existentiel au monde. Pour étudier cette figure en détails, nous retiendrons trois films : Stranger than paradise, Dead Man, et Ghost Dog. Le premier, qui valut une reconnaissance internationale au réalisateur, est stylistiquement marqué par des plans séquences fixes, et ne présente qu'un travelling latéral, mais la poétique future est déjà en germe dans ce plan. Il semble donc intéressant de l'étudier pour son aspect programmatique. Dans Dead Man, réalisé douze ans plus tard, Jarmusch, alors au faîte de son art, approfondit et revisite le genre du western ainsi que sa propre grammaire. Le travelling est étroitement associé au héros William Blake, dans une monstration de sa souffrance, et de la mort au travail. Ghost Dog fonctionne comme la suite de Dead Man, et ce film postmoderne poursuit la relecture des genres, mais la replace dans une réflexion plus largement existentialiste. C'est dans ce film que ce mouvement est le plus employé. La figure du travelling subit des variations, et une symbiose totale s'opère entre le personnage, la musique et le mouvement de caméra : le plan devient alors danse martiale, rituel et respiration. Nous verrons dans un premier temps comment le travelling se fait définition du personnage chez Jarmusch, personnage errant ou en quête, seul et étranger, puis nous nous attacherons aux relations entre personnage, caméra et musique, dans une approche rythmique et dramaturgique du travelling. Enfin, nous envisagerons le travelling comme vecteur du tragique.
[...] Le travelling devient pour Jarmusch expression du tragique, devient tragique en soi, et c'est ce qui frappe dès Stranger than Paradise : où comment le réalisateur, par le mouvement conjoint de l'acteur et du cadreur, et par l'irruption de la musique, parvient à exprimer une telle intériorité tragique avec aussi peu d'éléments qu'une jeune femme qui marche le long d'une rue. Filmographie Stranger than Paradise, Jarmusch Dead Man, Jarmusch Ghost Dog, Jarmusch Bibliographie Revue de presse sur les films : Positif, Cahiers du cinéma Articles trouvés sur le net : - cadrage.net, le fond du formel Alexandre Tylski. [...]
[...] Le travelling dans Stranger than paradise, Dead Man et Ghost Dog de Jarmusch Nombre de films de Jarmusch commencent par un travelling latéral sur le personnage principal, comme Stranger than paradise, Down by law, ou encore Dead Man, à tel point que ce mouvement d'appareil intègre la grammaire du réalisateur, et devient un élément de sa signature. En accordant le rythme de son déplacement à celui de la scène, le travelling semble le mouvement par essence le plus apte à produire un effet de transport sur le spectateur, et les travellings chez Jarmusch restent en mémoire car ce sont des plans longs, lents et contemplatifs, souvent en interaction avec la musique, chargés d'un fort quotient dramatique, même s'ils ne sont numériquement pas si fréquents dans son œuvre. [...]
[...] Le travelling définit le monde du personnage, et donne une vision existentielle de celui-ci. Dans les premières minutes de Stranger than paradise, Eva met en marche un magnétophone qui diffuse la voix poignante de Screaming Jay Hawkins, et un travelling latéral la suit dans les rues de New-York. La caméra avance à la même vitesse qu'elle, et le rythme s'accorde à la marche de la jeune femme, chargée d'un sac et d'une valise. Le cadre moyen introduit un effet de distanciation avec Eva, qui semble plaquée sur un mur en aplat, et la photo en noir et blanc offre l'image d'une ville désincarnée, vide et décrépite. [...]
[...] Des travellings ritualisant définissent l'entraînement de Ghost Dog. Ainsi un mouvement circulaire rapproché, en contre plongée, tourne autour de Ghost Dog alors qu'il entraîne ses pigeons et les dirige grâce à un drapeau. Ce mouvement magnifie le samouraï, le montre dans toute sa grandeur, et donne un caractère intemporel à la scène. Alors que Ghost Dog se trouve sur les toits, d'autres travellings, latéraux cette fois, le suivent au ralenti alors qu'il s'entraîne au sabre, le tout fortement rythmé par la musique de RZA. [...]
[...] prise de possession, agonie ou ataraxie B. filmer le présent III. Travelling comme vecteur du tragique : A. intemporalité, litanie B. chemin de croix C. [...]
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