Les pratiques nouvelles qui découlent des technologies de l'information et de la communication, ainsi que les liens étroits entre les jeux vidéos, les bandes dessinées ou les films d'animation avec le cinéma, engendrent de nouvelles images, qui se caractérisent par leur hybridité. La représentation du corps et le jeu des acteurs sont donc soumis à de nouvelles influences, caractérisées par la théâtralisation et l'hybridation. Par théâtralisation, on entend l'acte de rendre théâtral, autrement dit pour le domaine qui nous concerne, une nouvelle façon de mettre en scène le corps de l'acteur, influencée par l'esthétique et la stylistique de la BD ou du jeu vidéo. L'hybridation est un croisement entre deux variétés d'une même espèce, ou entre deux espèces. L'hybridation du corps de l'acteur s'opère donc entre la façon dont il est filmé traditionnellement, et la façon dont le corps est représenté dans les autres média qui l'influencent. Nous nous demanderons en quoi les dernières technologies (et les récits afférents) génèrent une nouvelle façon de mettre en scène le corps de l'acteur, et quelles sont les relations entre cette façon de jouer et les images. Quels rapports les corps entretiennent-ils avec ces nouveaux régimes d'images, et comment le corps agit sur le régime des images, et conduit à une hybridation des images mêmes ? Le corpus choisi pour traiter ces questions réunit le film Tomb Raider, adaptation du jeu vidéo du même nom, le premier volet de la trilogie Matrix, des frères Wachowski, et le clip de la chanson « Hyperballad », de Björk, réalisé par Gondry. Les trois films entretiennent des relations avec le jeu vidéo : jeu vidéo qui est l'intertexte de Tomb Raider, dont le film se présente comme un palimpseste. Matrix a été conçu en même temps que le jeu Enter the Matrix, et emprunte à l'univers du jeu des éléments structurels et stylistiques. L'univers de Björk semble a priori loin de celui du jeu vidéo, mais la chanteuse se figure dans le clip sous les traits d'un personnage de jeu vidéo, la référence explicite demande donc à être questionnée en relation avec les autres régimes d'image. Le rapport au jeu vidéo est l'entrée la plus claire, et la plus lisible, mais elle n'est pas la seule, puisque dans ce corpus, c'est plus globalement le rapport entre le corps de l'acteur et le régime des images issues des dernières technologies qui est questionné. Nous étudierons chaque film avant de proposer une étude comparée.
[...] Par ailleurs, on peut noter une forme de dédoublement, entre le corps réel, qui reste dans le vaisseau spatial, et corps virtuel, envoyé dans la matrice. Le corps virtuel réintègre le corps réel grâce à un coup de téléphone, port et canal de réintégration. Le corps virtuel, envoyé dans la matrice, n'obéit pas aux lois du corps physique, ou du moins peut les dépasser. Morpheus dit à Néo : Tu n'es qu'une image intérieure résiduelle, la projection mentale de ton moi original et le rôle de l'esprit est donc fondamental dans le processus de libération. [...]
[...] Néo apprend le kung-fû grâce à un programme qu'on lui télécharge pendant une dizaine d'heures, Trinity peut piloter l'hélicoptère une fois que son complice lui a chargé le programme de pilotage. A la fin, Néo acquiert des compétences supra-humaines, puisque tel un logiciel, il décode par la vision le système matriciel. L'hybridation homme-programme informatique suit un mouvement de chiasme : si les agents sont des programmes qui se modélisent sous forme humaine, les humains intègrent des programmes informatiques afin de déjouer la matrice. [...]
[...] La chanteuse dit en effet I go through all this/before you wake up et parle ainsi à une partie d'elle-même. Ainsi, lorsqu'une partie d'elle-même est endormie (figurée par l'image la plus réelle une autre partie d'elle-même fait une hyperballad partie figurée par le personnage de jeu vidéo, qui émerge du visage de la gisante, et se met à courir. Le personnage qui chante à travers l'image vidéo est l'instance énonciative, et se superpose à certains moments à celui qui dort. [...]
[...] Ce mélange ne fait plus référence à un seul média, mais s'approprie les solutions des différents genres, pour rendre ici l'énergie du mouvement. Si l'hybridation est générique dans Matrix, elle est aussi au cœur de la diégèse et du discours du film, par le biais de l'hybridation entre le corps humain et le programme informatique. Les agents, qui se nomment tous M. Smith, sont représentés sous forme humaine dans la matrice, alors que ce sont des programmes informatiques, des programmes sensoriels qui entrent et sortent des logiciels reliés à leur système. [...]
[...] La théâtralisation conduit donc à une restriction et à un certain appauvrissement, d'autant qu'elle n'est guidée que par la logique de l'adaptation, sans que n'affleure un autre discours. Quand à l'hybridation, c'est celle de l'image à travers de corps de l'actrice, entre l'intertexte et le texte, l'image de synthèse que tout le monde a en tête, et l'image filmée Matrix est en soi un jeu vidéo réalisé en film. Les personnages peuvent mourir, ils renaissent, ils ont des missions à accomplir. [...]
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