Noces de Sang, Carlos Saura, Antonio Gades, trilogie flamenca, sud de l'Andalousie, tragédie
Fruit d'une collaboration étroite entre le réalisateur espagnol Carlos Saura et le grand danseur et chorégraphe Antonio Gades, l'œuvre Noces de sang, d'abord produite en ballet à partir de 1974, devient en 1980 le premier film de la « trilogie flamenca ». Une troupe s'apprête à jouer le ballet Noces de sang, dont la trame suit l'intrigue de la pièce de Lorca (1898-1936). Est ainsi retracée l'histoire tragique d'une passion fatale entre une fiancée déjà promise à un autre et l'intrépide Léonardo dont le nom est sali à jamais. Tout se déroule dans la société fermée d'un petit village du sud de l'Andalousie, où les familles sont déchirées par des sentiments de haine et de vengeance et soumises à cet esprit de clan. Pourtant ce n'est pas une pièce de théâtre, mais bien un ballet filmé auquel nous assistons.
[...] L'entente entre les deux discours, filmiques et chorégraphiques, qui se répondent l'un l'autre est ainsi parfaite et le spectateur est entraîné au cœur du ballet. Mais plus que complémentaires, ils offrent une perspective véritablement nouvelle. En effet, tout en respectant et en traduisant à merveille le texte de Lorca, l'absence de paroles rend nécessaire une amplification du rythme et des mouvements et c'est toute l'œuvre de l'auteur qui est ainsi revisitée. L'appel au spectateur passe alors par d'autres vecteurs que les mots, misant encore davantage sur l'émotion et la beauté dans une représentation rendue parfaite, puisqu'épurée des imperfections de l'improvisation en direct. [...]
[...] D'ailleurs, ces deux personnages, accompagnés d'une marche nuptiale triomphante, iront même jusqu'à organiser un simulacre de mariage pour sceller définitivement leur union. La passion s'exprime de façon encore plus intense dans la scène des amants, qui s'y offrent tout entier. La danse choisie, le flamenco, dans sa gestuelle sensuelle, véritable ronde d'amour agressive et suggestive, est sans équivoque : les amants se frappent le cœur dès le début, les mains se laissent glisser sensuellement le long du corps puis étreignent le vide. [...]
[...] La servante, figure de l'ordre clanique, remet à la fiancée son bouquet de fiançailles et la ramène par là même à ses devoirs de future épouse. Dès lors, le clan impose son autorité et il est intéressant de remarquer le contraste, lors des fiançailles, entre la bande- son joyeuse qui accompagne la scène et la tristesse apparente de la fiancée, figée et abattue, immortalisée par l'arrêt sur image pour la photographie. La fiancée semble subir un destin qu'elle n'a pas choisi, mais qui s'impose à elle Le sort en est jeté Ainsi, le clan est maître de tout et domine les amants. [...]
[...] Dans ce cadrage final, le film se clôt donc sur un univers de mort et de destruction devenu stérile. Conclusion En conclusion, de nombreux éléments pourraient d'abord laisser penser que cette œuvre est bien éloignée de la tragédie de Lorca : le texte originel presque absent du film, le plan de la pièce qui n'est pas strictement respecté ou encore un lien entre danse et théâtre souvent difficile à établir spontanément. Pourtant, une analyse plus approfondie révèle très vite une proximité et une cohérence réelle entre ces deux créations artistiques. [...]
[...] II) La fatalité Cette passion est d'autant plus dramatique qu'elle est fatale aux amants. Dans cette pièce, la fatalité est incarnée par l'ordre clanique et c'est dans l'image de la fenêtre et de sa verticalité que nous la retrouvons tout au long du film. Déjà, les amants ont manifesté leur désir d'y échapper en traversant à plusieurs reprises dans leur chorégraphie cette verticale et en transgressant par là même la loi clanique et les tabous associés : Que m'importent les gens et leur poison s'était écrié Léonardo dans la pièce. [...]
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