De nombreux surréalistes ont aimé le cinéma. Certains ont écrit des critiques, d'autres
des poèmes cinématographiques. D'autres sont devenus théoriciens comme George
Sadoul. Pourtant après une décennie, c'est la déception qui fait place à l'embellie. Si
on y regarde de plus près, il n'existe pas beaucoup de films proprement surréalistes.
Les surréalistes ont l'impression d'avoir beaucoup donné pour le cinéma et n'avoir rien
reçu en retour. Il faut dire que quelques uns avaient placé tous leurs espoirs dans cette
nouvelle forme d'expression. Pour eux, les arts du passé étaient usés, il fallait donc
créer de nouveaux modes d'expression. Le cinéma est donc apparu " comme le moyen
d'expression […] mieux qu'un autre appelé à promouvoir la "vraie vie". Breton,
Comme dans un bois
Ado Kyrou ira jusqu'à dire que le "cinéma est d'essence surréaliste". Cette affirmation
peut paraître déraisonnable mais à l'époque maintes études le prouvent tel l'article de
Jean Goudal. Il s'agit aujourd'hui avec le recul d'étudier s'il y a vraiment adéquation
profonde entre les moyens de l'écran et les aspirations du surréalisme.
Dans un premier temps, on résumera ces aspirations pour les mettre en relation avec
le cinéma, puis on étudiera la pierre d'achoppement entre les deux techniques, le rêve.
Enfin on verra les objections qui ont été faites et qui tendant à ruiner cette identité
commune au cinéma et au surréalisme.
[...] René Clair lui-même s'aperçoit que "si le surréalisme a sa technique propre, le cinéma a la sienne aussi[ . ] Pour traduire en images la plus pure conception surréaliste, il faudra la soumettre à la technique cinématographique, ce qui risque de faire perdre à cet "automatisme psychique" une grande part de sa pureté." La difficulté soulevée n'est pas négligeable. Elle tend à anéantir l'hypothèse d'une identité profonde entre démarche surréaliste et démarche cinématographique que nous venons de défendre. Le cinéma, tant sa phase de création et de production, est loin de la spontanéité, de l'automatisme chers aux surréalismes. [...]
[...] ] sitôt franchie une de ces portes amorties qui donnent sur le noir. De l'instant où il a pris place jusqu'à celui où il glisse dans la fiction qui se déroule sous ses yeux, il passe par un point critique aussi captivant et insaisissable que celui qui unit la veille au sommeil". "L'esprit de l'homme qui rêve se saitisfait pleinement de ce qui lui arrive. L'angoissante question de la possibilité ne se pose plus." Puis il s'interroge" Quelle raison, je le demande confère au rêve cette allure naturelle, me fait accueillir sans B. [...]
[...] Si le surréalisme se croit un analogon du rêve, il dépasse tout rêve de par sa concentration excessive en irrationnel. Le déchaînement du désir, le triomphe de l'amour fou, la pulvérisations des lois de la physique, les enchaînements fulgurants font que ce pseudo-rêve "est au rêve ce que la tragédie classique est au drame de famille." Sartre disait que l'objet surréaliste faisait vaciller un instant l'ordre du monde en dévoilant ses contradictions. Mais l'argument ici, qui s'applique aussi au choc des images, est que la destruction ne s'effectue que sur un plan symbolique et que son effet déréalisant ne débouche que sur l'inefficacité. [...]
[...] De par son expérience dans les hôpitaux psychiatriques pendant la guerre, Breton rapprochera la création poétique de la pensée inconsciente. L'expérience des délires, vécue dans les hôpitaux psychiatriques pendant la première 1 A. BRETON, Manifeste du surréalisme, guerre mondiale, est rappelé pour justifier le recours exclusif à une source intérieure de la vision du monde, et le rêve, tel que l'analyse Freud, dépend de cette source. Nous en parlerons plus tard. L'appel à l'intériorité onirique exige donc l'abandon de tout ce qui entrave la spontanéité "automatique". Les surréalistes vont alors s'entraîner à l'exercice de l'écriture automatique. [...]
[...] Ce serait alors des cadavres exquis temporalisés, qui élimineraient toutes les contradictions inhérentes au tournage des films. Un usage surréaliste peut-être fait du surréalisme qui revient avec insistance chez Ado Kyrou encore. Cet usage échoit au spectateur et à son rôle actif face à l'écran. C'est à lui faire son film. Il doit se servir de ce que lui est présenter et le violer le de sa subjectivité. Dès leur peu importe que le projet des auteurs soit proprement surréaliste. C'est même leur naïveté et leur innocence qui justifie l'adhésion critique du spectateur. [...]
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