Lorsqu'on interrogeait Tarkovski sur la composition de sa cinémathèque idéale, il rappelait que ses cinéastes fétiches étaient Bergman, pour son rapport à la création et son esthétique fascinante, et Bresson, un guide éthique, pour la pureté de ses films, son intransigeance, son absence de concession et son refus de tout compromis. Deux cinéastes de la modernité ayant marqué le cinéma en s'aventurant dans de nouveaux espaces de liberté propre à cet art.
Nous nous interrogerons donc sur l'héritage de la modernité que l'on peut trouver chez Tarkovski à travers Stalker (1979), seconde intrusion du cinéaste dans l'univers de la science-fiction après Solaris.
[...] Par la figure de la rationalité. Quand G. Ungaretti dit qu'il y a dans le monde des langages quelque chose qui est définitivement fini il y a un rapprochement évident à faire avec notre étude : Stalker abandonne viscéralement le monde du langage comme ensemble de signifiants. Le film invente de nouvelles règles de communication dans le rapport des personnages au monde. Il y a tout un système de sensations et de réminiscences (presque proustiennes, adressées au spectateur) qui s'emparent des fonctions langagières. [...]
[...] Tarkovski met en place un procès de la raison, qui ne peut expliquer le miracle et redonne à la foi une valeur prophétique et humaniste. Il est intéressant de revoir le film en ayant à l'esprit les trois sens barthésiens des images : le niveau informatif, qu'il rattache au domaine de la communication, ici, est à son minimum, le moment le plus informatif étant l'incipit textuel relativement réduit. Le sens obvie est finalement lui aussi assez limité. Le niveau symbolique comme intentionnalité de l'auteur nous parle peu. [...]
[...] Si l'espace de cohérence narrative et discursive est mis à mal, c'est que l'on n'est plus dans un système d'éléments à saisir ou non, on ne sait plus véritablement ce qu'il y a à comprendre, car tout nous semble familier, ce qui rend l'œuvre abstruse au sens didactique, c'est-à-dire difficilement saisissable par l'esprit, la raison, le logos. Tous les mouvements, actions, pas des personnages prennent une dimension sonore incroyable, chargeant leur rapport à l'environnement, les mettant en relation avec la nature. Le sonore reconstruit un monde irréel chargé d'un nouveau sens. C'est la sensation contre la signification, le mystère contre le sens (G. Visy). [...]
[...] Nous nous interrogerons donc sur l'héritage de la modernité que l'on peut trouver chez Tarkovski à travers Stalker (1979), seconde intrusion du cinéaste dans l'univers de la science- fiction après Solaris. En gardant à l'esprit les caractéristiques principales des films de la modernité, nous verrons dans une première partie comment le film Stalker perturbe l'espace filmique en tant qu'espace de cohérence, puis les mises en crise qu'il opère sur le sujet, la parole et le temps, menant à une reconstruction de la réalité chargée d'un nouveau sens, qui fera l'objet de notre troisième et dernière partie. [...]
[...] Si les temps faibles sont privilégiés, comme dans les films de la modernité, il faut noter que de surcroit, les temps forts sont affaiblis. Rappelons que nous sommes dans le genre de la science-fiction, généralement apprécié pour ses intrigues, son suspense, ses effets spéciaux et son spectaculaire. Aucune de ces attentes n'est pourtant ici satisfaite. Alors même que des moments de tensions se font sentir qu'un danger indicible semble guetter les protagonistes, la dilatation du temps dilate ces temps forts, les affaiblissant (en terme de générateurs de pulsions). [...]
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