Pour comprendre une société et son époque, l'étude de son cinéma, si tant est qu'elle en possède un, peut s'avérer être fort prolifique à tous les niveaux, que ce soit en ce qui concerne les valeurs véhiculées par le classe dominante, les tabous et interdits ayant cours au sein de la population, les situations suscitant l'irritation ou l'appréhension chez les gens, ou même le genre d'humour auquel on a affaire dans cette dite société. En ce sens, la comparaison que nous allons effectuer dans le présent texte entre Les Diaboliques d'Henri-Georges CLOUZOT (France,1955) et son remake, Diabolique de Jeremiah CHECHICK (É.-U., 1996) est un excellent terrain d'analyse des différences culturelles, puisque ces deux productions ont été réalisées à des époques radicalement différentes, dans des contrées relativement dissemblables, donc dans des contextes que, suite au visionnement des deux films, on pourrait presque qualifier d'antagonistes. C'est en comparant la construction, à tous les niveaux, des oeuvres respectives de ces deux réalisateurs n'habitant pas le même monde que nous serons plus éclairés sur les facteurs principaux menant à la création ou, dans le deuxième cas, à l'interprétation d'une oeuvre cinématographique.
[...] La détective Vogel est-elle avec eux ? Est-elle seulement avec Mia ? Nicole ira-t-elle en prison ? Pourquoi Vogel reste-t-elle, moqueuse et cynique, devant le cadavre, une cigarette à la bouche ? Autant de questions qui peuvent être soulevées par un auditoire laissé volontairement sur sa faim Structures Narrative Les deux films suivent sur cet aspect une trame identique. Le développement est très linéaire, sans ellipse, tel qu'on le retrouve fréquemment dans les productions hollywoodiennes. [...]
[...] Le meilleur exemple se trouve sans doute à la dernière séquence du film de 1996, lorsque Mia et Guy, par on ne sait quel prodige, ressuscitent encore une fois, dans une scène d'une horrible violence (Nicole plante un râteau dans le crâne de Guy après que Mia, que Guy a tenté de noyer dans la piscine, eût déchiré l'œil de ce dernier avec la pointe de sa croix La fatale crise cardiaque de Christina semble bien pâle en comparaison! Il est à noter que le langage utilisé est de loin plus vulgaire et populaire dans la version américaine. D'autres divergences s'observent quant à la rapidité du déroulement du récit (ce dont nous avons précédemment traité) et à la trame sonore respective de chacun des films. Les bruitages et musiques des Diaboliques sont plus discrets lorsque mis en rapport avec la force des dialogues et de l'image du film. [...]
[...] Les réactions des personnages sont moins théâtrales, ces derniers donnent plus dans l'agressivité et la violence pure et simple. La fragilité de Mia est cependant beaucoup moins appuyée que celle de Christina et la Nicole américaine semble ressentir le besoin de tomber dans la vulgarité pour démontrer sa force de caractère et son indépendance. En ce qui a trait aux personnages secondaires, ils n'occupaient pas une place très importante dans le film de Clouzot, mis à part peut-être les locataires de Niort et le petit Moinet, qui croit dur comme fer avoir vu le proviseur dans la fenêtre. [...]
[...] En somme, l'américanisation des Diaboliques est totale, sans être trop grossière. À la lumière de la production originale, il est intéressant de constater l'effort d'intégration des femmes et des minorités (la détective Vogel, l'institutrice, quelques enfants noirs dans les classes), ainsi que de thèmes plus actuels (l'ambigüité concernant la relation entre Mia et Nicole). On a donné au public américain ce qu'il voulait voir (du sexe, un peu de sang, des cris et des coups de poings) sans trop forcer la dose, ce qui en fait un film assez acceptable en son genre. [...]
[...] Chechick a quant a lui usé de la diégèse pour que l'esprit de l'auditoire continue le film avant et après le visionnement, en quelque sorte. À titre d'exemple, on présuppose qu'un incident est arrivé juste avant la scène d'ouverture (où Mia a soudainement un malaise), puisque apprend au long du film que ces crises se produisent après une forte émotion. La fin, interminable autant qu‘équivoque, témoigne encore plus de cette technique. Mia et Nicole se séparent-elles? Si oui, où part donc Mia lorsqu'elle dit au revoir ? Est-ce Nicole qui partira ? [...]
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