Il s'avère impossible de classer les œuvres d'Eisenstein tant la part de créativité compense l'idéologie omniprésente.
Il est évident que les sujets traités dans ces œuvres sont imprégnés de l'idéologie soviétique post-révolutionnaire. Effectivement la com-mande d'Etat de trois films traitant du thème « Vers la dictature du prolétariat » intègre très tôt le travail d'Eisenstein dans un cinéma dit ‘Stalinien' : un terme employé par les opposants du régime afin de dénoncer le formatage idéologique de l'art aussi bien du point de vue pictural, théâtral que cinématographique.
Le film Octobre (1927) est peut-être l'œuvre qui appuis et illustre au mieux l'idéologie, en effet sa modernité révolutionnaire le rend exceptionnel et grandiose.
Traitant de la révolution d'Octobre 1917 où le Tsarisme est définiti-vement radié en faveur d'un régime communiste, le film met en scène une révolution vue et interprétée par les dirigeants même de cette révolution dans le sens où la vision proposée au spectateur est déformée de la réalité.
[...] Par le sujet et les thèmes abordés, l'œuvre d'Eisenstein relève donc de la propagande. La forme quant à elle n'est pas simple support idéologique, bien au contraire, les multiples influences de l'auteur classent irrémédiablement son travail dans une catégorie hors pair. Ses influences relèvent principalement du théâtre, tel Le Kabuki, effectivement la structure des films d'Eisenstein rappelle la structure d'œuvres théâtrales en trois ou cinq actes. Le Cuirasse Potemkine voit sa forme structurée en 5 parties bien définies : La cause de la révolte (Des hommes et des vers, plans 1 à 248), La mutinerie (Drame sur le gaillard d'arrière, plans 249 à 638), La présentation du mort Vakoulintchouck (Le Mort Demande Justice, plans 639 à 796), L'escalier d'Odessa (Plans 797 à 1029) et enfin La fraternisation du Potemkine avec les marins (La rencontre avec l'escadre, plans 1030 à 1346). [...]
[...] Il est évident qu'Eisenstein fait preuve d'une grande innovation quant au traitement du montage et du cadrage. C'est un constant jeu sur le temps qui fonde la base du cadrage et du montage. Raccourcis et étirements du temps cohabitent afin de rythmer toujours plus le film. Ainsi le réalisateur sélectionne précisément ce qu'il veut montrer à son spectateur. Le Cuirasse Potemkine : L'Escalier d'Odessa La scène de la femme portant son enfant mort dans Le Cuirasse Potemkine est montée de manière à ce que l'on voit le sabre levé du soldat, cela constitue le symbole du meurtre annoncé. [...]
[...] Effectivement Eisenstein retranscrit ici l'aspect grandiose, massif de cette révolution : le mythe d'une révolte de tout un peuple. La réalité étant tout autre, puisque cette révolution fût minutieusement organisée par Lénine et Trotski, mettant en place une réelle tactique militaire. Eisenstein est donc un parfait témoin de la nouvelle idéologie bolchevique au niveau des thèmes choisis, comme il le disait si bien : Je n'ai pas autre chose à exprimer que les temps révolutionnaires Cependant le choix de ces sujets et la manière dont ils sont traités, bien qu'étant de parfaites interprétations des événements selon l'Etat, subit la rude censure du collège institué au sein du comité. [...]
[...] C'est après le massacre des civils par les forces Tsaristes qu'intervient le terrible sort de cette femme portant à bout de bras son enfant mort. C'est désespérée que la femme remonte à contre courant du mouvement de la foule, vers les forces militaires afin de témoigner du meurtre barbare d'un enfant, innocent, peut être plus qu'un autre. C'est le visage déchiré d'une femme éventrée par le sort qui interpelle le spectateur, ne pouvant qu'hurler son désespoir et sa colère. L'expression des traits est ici poussée à son maximum, en effet le visage de la femme est déformé par la souffrance. [...]
[...] Eisenstein dénonce ici une certaine facilité religieuse, dans le sens où tout acte est justifié par Dieu et son bon vouloir. De plus, le fond de ce plan met en évidence des formes apparentées à celle de flammes, Eisenstein use ici d'une provocation des plus osées, en effet la Foi en Dieu est apparentée à l'Enfer, au Diable. Le réalisateur s'affirme donc une fois de plus en fervent témoin d'une idéologie quant au choix du sujet, mais transcrit tout au long de ses œuvres les principales valeurs communistes, les idéaux véhiculés par le gouvernement : le traitement de la religion étant un des exemples significatifs. [...]
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