Dans "Une femme est une femme" de Godard, Alfred, le personnage incarné par Jean-Paul Belmondo, croise Jeanne Moreau dans un café et lui demande si « ça marche avec Jules et Jim ». Après avoir écrit rapidement "Jules et Jim" en 1961, François Truffaut réalise le film entre le 10 avril et le 28 juin de la même année.
Le film est l'adaptation d'un roman alors inconnu du grand public écrit par Henri-Pierre Roché, grand collectionneur d'art. Le réalisateur rencontre Jeanne Moreau pendant "Les quatre-cents coups" où elle fait une apparition. Truffaut ne disposant pas de beaucoup de moyens, Jeanne Moreau a même du prêter sa voiture pour le transport de certains décors.
[...] Malgré quelques difficultés financières, il dispose de davantage de moyens qu'à ses débuts, les vues aériennes de l'arrivée du train en Autriche sont ainsi vraisemblablement réalisées en hélicoptère. Néanmoins, il n'en a pas perdu son âme et souhaite toujours bouleverser l'ordre établi. Son adaptation cinématographie détient tous les traits de caractères de la Nouvelle Vague : des acteurs jeunes, modernes et spontanés, des références esthétiques et politiques affirmées et un film centré davantage sur la vie que sur les faits. [...]
[...] Dans ‘Jules et Jim', Truffaut excelle dans cet exercice. Jules dessine ainsi un portail de femme sur une table du bar à la manière des esquisses de Picasso (7ème minute). Et comme certainement Henri-Pierre Rocher en son temps, Jim offre un tableau au couple (24ème minute), comme les affiches de Godart dans bout de souffle', de nombreux tableaux de Picasso balisent le film. Lors du rendez-vous manqué entre Jim et Catherine (29'30), une affiche de Picasso et une autre du Moulin de la Galette décorent le fond de la pièce. [...]
[...] Très attaché à la distanciation, il choisit d'utiliser une voix off. Comme Rochet a écrit ‘Jules et Jim' cinquante ans après les évènements, le réalisateur souhaite conserver le recul de la narration. Le réalisateur gagna son pari puisqu'il parvint à faire connaître le roman de Roché dans le monde entier grâce à son film. Plus expérimenté qu'à ses débuts, Truffaut présente un film dont la forme reste plutôt conventionnelle. Les lumières sont soignées, il n'y a ni contre-jour ni sous-exposition. [...]
[...] Et en tant que réalisateur de la ‘Nouvelle Vague', il ressent le besoin d'appartenir à un genre. Un réalisateur de la nouvelle vague affiche son appartenance idéologique. Il s'agit par exemple de titres de journaux. La Guerre sociale titre sa une avec un Je vous dis merde plutôt provocateur tandis qu'un homme qui dit ne pas avoir d'humour range le Figaro dans sa poche (28'56). Lors de la rencontre du couple et de Jim au cinéma, des scènes d'autodafés apparaissent à l'écran. Il s'agit peut-être des autodafés exécutés par les nazis en 1933. [...]
[...] La scène finale fait davantage écho au rythme caractéristique des films de la ‘Nouvelle Vague'. Le tempo y est plus élevé, le nombre de plans augmente jusqu'au ralenti de la chute de la voiture dans l'eau. Catherine se retourne même vers la caméra avec un grand sourire avant de mourir, évoquant le ‘regard caméra' de Belmondo au volant de sa voiture volée ('A bout de Souffle'). Si le montage de ‘Jules et Jim' est moins avant-gardiste que n'ont pu l'être les premiers films de la Nouvelle Vague, le spectateur n'en reste pas moins troublé par la liberté de ton qui se dégage de ce film. [...]
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