L'Esthétique (du grec aisthesis, sensible), aussi appelée Philosophie de l'Art, englobe deux notions distinctes que sont la perception et l'affectivité. Jean Lacroix, dans Kant et le kantisme, résume ainsi brièvement ce qu'en pense le théoricien et philosophe : « Il y a bien dans le sentiment esthétique une expérience très particulière de la liberté, comme jeu harmonieux, comme expérience d'une existence au-delà de toute contrainte. Mais cette expérience est purement subjective, elle ne nous donne aucune connaissance et surtout elle n'a par elle-même aucune valeur morale. »
Cette définition philosophique de ce qu'on peut appeler une expérience esthétique semble être en partie engendrée par une réaction individuelle, résultant elle-même d'un choc d'ordre sensitif (visuel, auditif, émotionnel, etc.). Ce choc, cette provocation sont-ils nécessaires au déclenchement d'une telle chaîne d'événements ?
Si oui, à quelles limites peut-on se confronter ? Et y a t-il une façon plus convaincante qu'une autre d'aborder l'expérience esthétique ?
Prenant pour exemple le cinéaste et les films de Lars Von Trier – dont l'œuvre semble entièrement vouée à cette quête de la provocation – nous nous attacherons dans un premier temps à voir en quoi la provocation peut être compatible avec une expérience esthétique dans son acception sémiologique et son rapport à l'image. Par la suite, nous analyserons les limites d'une telle approche en les expliquant et en élargissant cette acception. Enfin nous tenterons d'apporter une vision différente de l'expérience esthétique, plus proche de la réception spectatorielle que l'était la précédente, et nous verrons ainsi laquelle demeure la plus efficace.
[...] La provocation vous semble-t-elle compatible avec une expérience esthétique? L'Esthétique (du grec aisthesis, sensible), aussi appelée Philosophie de l'Art, englobe deux notions distinctes que sont la perception et l'affectivité. Jean Lacroix, dans Kant et le kantisme, résume ainsi brièvement ce qu'en pense le théoricien et philosophe : Il y a bien dans le sentiment esthétique une expérience très particulière de la liberté, comme jeu harmonieux, comme expérience d'une existence au-delà de toute contrainte. Mais cette expérience est purement subjective, elle ne nous donne aucune connaissance et surtout elle n'a par elle-même aucune valeur morale. [...]
[...] D'un point de vue philosophique, cela relève de l'impossibilité de savoir qui est le Moi, renvoyant la création esthétique comme destruction des formes, perte de sens et de tous repères (ce que Kant appelle le sublime, ce qui est purement et simplement grand et jeu illimité des facultés de jugement et de raison. La provocation réside alors dans le dépassement des limites communément admises. L'expérience esthétique semble avoir besoin de la provocation pour exister, donc nécessite de sortir des limites, qu'elles soient d'ordre social, visuel ou moral. [...]
[...] Dès lors que l'on admet, de manière générale, que l'expérience esthétique vaut par son approche sémiologique, c'est à dire dans le but de créer un sens, on conditionne son regard à un certain degré de réception. Dans le cas du cinéma, il s'agit du sens induit directement par le rapport entre le son et les images, ou même par le rapport qu'entretiennent les images entre elles. Cela peut s'expliquer par la simple notion d'effet Koulechov, grâce auxquelles deux images mises bout à bout peuvent faire comprendre au spectateur la narration inhérente, simple déduction logique. Cette création de sens, à l'échelle du film, peut éventuellement créer un choc émotionnel. On parle alors de provocation. [...]
[...] C'est alors une autre facette du sensible qui s'offre à lui, car il doit nécessairement intégrer ses émotions et l'ensemble du film à la réflexion qu'il doit mener pour analyser son comportement. Cette approche phénoménologique du sensible en lien avec l'intelligible, sans doute plus efficace, fait de la provocation un préalable au bon déroulement moteur essentiel mais sans doute pas unique de l'expérience esthétique, au delà de toute contrainte matérielle. S. JOMIER Bibliographie indicative : - HUISMAN D., L'Esthétique, coll. "Que sais-je?", Ed. PUF, Paris - KANT E., Critique de la faculté de juger, coll. folio essais, Ed. Gallimard, Paris - JAFFRO L. [...]
[...] Devant le film de Darren Aronofsky Requiem for a dream, certes on est choqué par l'enfer des drogues et de la dépendance, bien sûr que l'on ressent une émotion à la vision des deux adolescents et de la mère lorsqu'ils sombrent et retrouvent une position foetale. Mais le montage, si proéminent et novateur, conserve ses droits, limite la plongée émotive pour un regard un temps soit peu averti, car la relation des images entre elles résiste à l'émotion. La provocation n'est peut être pas suffisante à l'entière implication du spectateur à ce qu'il voit dans ce cas précis. Chez Lars von Trier, on peut observer une réelle alternance d'expériences. [...]
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