« Le film est révélateur de la société en tant qu'instrument susceptible de porter un éclairage sur son fonctionnement » affirme Marc Ferro ("Analyse de film, analyse de société", 1975, Hachette, Paris).
Si l'on se base sur son raisonnement et d'après les films récents, la société d'aujourd'hui apparaît comme quelque peu dérangée. Il est vrai que le spectateur de cinéma est habitué à être bousculé. Après le flash-back, le forward et autres ellipses narratives, il reste un domaine du récit qui n'a pas été abordé : la pluri-narration.
Ce procédé apparait dès "Short Cuts" de Robert ALTMAN en 1991 mais se concrétise à partir des années 2000 en adoptant plusieurs formes. On appelle alors ces films « chorales », « puzzles » et enfin, « mosaïques ». À quelques différences près, ces trois types de pluri-narration ont pour définition d'entrecroiser des récits divers sans pour autant se recouper et peuvent s´articuler autour d'un point de départ.
[...] Ce procédé apparait dès Short Cuts de Robert ALTMAN en 1991, mais se concrétise à partir de 2000 en adoptant plusieurs formes- on appelle alors ces films chorales puzzles et enfin, mosaïques À quelques différences près, ces trois types de plurinarration ont pour définition d'entrecroiser des récits divers sans pour autant se recouper, peut-être autour d'un point de départ un accident, comme dans Babel (2006) et Amores Perros (2000) d' Iñarritu ou Crash (2005) de Paul Higgins, les films choisis pour appuyer cette analyse. La question que nous nous posons ici est donc de savoir pourquoi cet emploi de la plurinarration est devenu aussi employé aujourd'hui. Comme l'a si bien dit FERRO, le film révèle la société dans laquelle il a été produit, et l'emploi de ce procédé le confirme. Nous vivons dans une société chaotique, ou la communication est inexistante. En ce qui concerne le chaos, nous pouvons voir qu'il est tout autant formel que thématique. [...]
[...] Ils s'immiscent dans la vie intime des personnages, leur coupent la parole, les surprennent. Pour conclure, je pense que l'utilisation de ce procédé donne du poids au message que voudrait passer l'auteur. En effet, en n'employant qu'un seul narrateur pour attester une chose, il a un moindre impact que si une multitude de témoins soutenaient les mêmes propos. On assiste à un procès contre la société et ses problèmes. Dans Crash par exemple, on appelle à la barre la femme du réalisateur hollywoodien, le serrurier d'origine hispanique et un père de famille l'immigrant perse. [...]
[...] C'est peut-être pour cela, que certains des personnages, qui le savent déjà, ne parlent pas, et se contentent de raconter leur histoire au travers d'images, de plans, de regards et de gestes, comme le fait El Chivo en regardant les photos, ou Gabriella, observant l'affiche d'elle-même avant l'accident. Pour finir, il me semble que la plurinarration constitue un leurre de liberté. En effet, étant donné que tout le monde peut donner son point de vue, peut s'exprimer, a le droit de donner sa version des choses, nous pouvons croire que la liberté règne. Or, le montage et le cadrage emprisonnent la narration, ils décident de tout. [...]
[...] Au sein des grands bureaux, il est certes important de pouvoir évoluer au sein d'un groupe, mais ce qui est le plus prisé, c'est l'épanouissement personnel. Ce n'est pas pour rien que le rang dans les sociétés est désigné par des chiffres numéro un de Publicis par exemple. La plurinarration traduit cette tendance par la focalisation sur les personnages eux-mêmes et non sur un groupe, comme avait tendance à le faire une narration classique. Dans Babel par exemple, quand l'adolescente japonaise rentre en boite de nuit, nous passons d'un environnement très bruyant, à un quasi-silence. Nous nous concentrons sur sa surdité, sur ses sentiments. [...]
[...] Dans Amores Perros, Inarritu évoque le thème des vies brisées, et à l'image des cadavres de chiens, de l'amputation de Valeria le top modèle, ou encore à l'image de l'accident, la plurinarration donne une impression de narration en lambeaux. Les rapprochements qu'opère Inarritu entre les personnages-narrateurs en les faisant se croiser dans un même plan ressemblent à des points de suture, comme s'il essayait de mettre un peu d'ordre dans le récit. Bibliographie indicative Alain Masson. Le récit au cinéma, Cahiers du Cinéma livres p. École pratique des hautes Études. Cinéma, rites et mythes contemporains, Montrer, ne pas montrer p. [...]
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