1895 marque la naissance officielle du cinéma. Le système breveté par les Frères Lumières permet d'enchaîner 16 photos fixes à la seconde. Ce procédé est intéressant pour notre sujet tant il montre que dès le départ, le cinéma reste bien un système photographique qui de ce fait ne peut être qu'une reproduction très fidèle à la réalité. On le voit avec le 1er film de l'histoire tourné par les Frères Lumières en 1895 : la sortie des usines lumières à Lyon. Ce film dépeint déjà une certaine réalité sociale et donne une image forcément fidèle des français de l'époque (vie rythmée par les horaires d'usine, pause repas…).
Malgré tout, les contraintes techniques du cinéma imposent déjà une mise en scène ce qui introduit un biais à la peinture objective de la réalité. Par exemple, la sortie des usines doit se faire en 45 secondes pour des raisons techniques.
Cet exemple montre que si le cinéma par essence ne peut que dépeindre la réalité, très tôt, les contraintes techniques et finalement l'œil et le choix du réalisateur vont venir complexifier ce constat. Par ailleurs, la France a une particularité très forte symbolisée par l'expression « qualité française ». Elle a très tôt mêlée cinéma et art (M.Duchamp, A.Breton, Sati, Cocteau, Prévert, Pagnol…A.Varda : « Tenir une caméra c'est comme tenir un stylo ») ce qui a pu donner une certaine forme de surréalisme voir de poésie aux films français. Une tension en est résulté ce qui se traduit bien avec l'expression « réalisme poétique ».
Dès lors, l'image des français telle qu'elle apparaît dans les films tout au long du XXème siècle est-elle un reflet fidèle de la réalité ?
[...] En ce sens, ces films sont des reflets fidèles de la réalité mais d'une réalité, d'une évolution qui n'est pas encore perçue par tout le monde. L'anticipation de l'avènement de la guerre est perçue par les cinéastes de l'époque qui ne parviennent à la retranscrire que de manière très elliptique. On le voit avec une partie de campagne en 1936, de Renoir film aux intonations presque surréalistes, qui traite des espoirs déçus et du passage du temps. Ce n'est qu'en 1939 avec le Jour se Lève de M.Carné que le personnage de Gabin montre bien explicitement et pour la première fois le malaise désormais perçu par toute la société de l'avènement de la guerre et de son inéluctabilité (l'enfermement est très fort, pas de musique, sobriété du jeu de Gabin). [...]
[...] Quoiqu'il en soit, que ce soit les comédies ou les films de ces deux époques, on ne peut pas pour autant en conclure qu'ils ne dépeignent pas du tout les français de leur époque. Certes, ils n'en parlent pas directement et n'ont même pas pour objectif de dépeindre avec fidélité les français de leur époque. Mais ce refus ne parvient même pas à toucher sa cible, car malgré eux, ces films sont le symbole de la société de leur époque. [...]
[...] C'est particulièrement le cas avec les films du Front Populaire, notamment la Belle Equipe de Julien Duvivier (1936). Influencé par le formidable élan d'espoir suscité par le Front Populaire, le film décrit le destin de 5 camarades (ouvriers) qui gagnent au loto et achètent une maison dans la Marne. L'idée de réconciliation nationale très présente dans la scène de la fête (Gabin avec le policier) symbolise une certain réconciliation de classes. De même, la libéralisation des mœurs apparaît avec la scène de la grand-mère et du mariage dans la chambre. [...]
[...] On le voit dès 1957 avec Ascenseur pour l'échafaud avec une musique subversive (Jazz de Miles Davis) synonyme de liberté qui accompagne une femme errant dans les rues tout aussi libre. (J.Moreau). Ce film marque un affranchissement par rapport à l'image traditionnelle de la femme et en ce sens, anticipe l'émancipation des femmes qui suivra plus de dix ans plus tard. A bout de souffle de Godard en 1959 symbolise ce mouvement avec une grande liberté de ton et une femme qui domine dans les rapports du couple. [...]
[...] Finalement comme ces films répondent souvent à des impératifs de rentabilité, ils répondent quelque part à une attente des français et ce faisant, ces films ne peuvent s'empêcher de dépeindre la France et les français de leur époque. Ils traduisent alors un certain malaise des français de l'époque correspondante. Conclusion Ainsi, le cinéma reste un procédé de succession de photographies. Quoi qu'il fasse ou souhaite faire, il dépeint toujours la société dont il parle. Si cette peinture peut parfois être directe ou indirecte, implicite ou explicite, fidèle à son époque ou en avance sur son temps, elle reste là et renvoie nos images et même plus précisément les images de nous que nous souhaitons voir ou que nous refoulons, sur l'écran. [...]
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