Pascal BONITZER définit le cinéma moderne comme étant un cinéma qui n'attirerait que peu de spectateurs car il se détache des émotions et rompt avec la narration. Le cinéma moderne a pour but d'inventer de « nouveaux rapports entre les plans » pour exprimer autre chose que les émotions communes. Donc en réalité, ce n'est pas que le cinéma moderne ne transmet plus d'émotions mais il en transmet de nouvelles, inconnues jusqu'à maintenant et qui frustrent le public qui n'est pas habitué. En effet, celui-ci a besoin d'histoire et d'émotions et l'un n'est pas concevable sans l'autre. Jusqu'à présent, il était habitué aux émotions de masses, communes, qui sont la peur, le rire et les larmes. BONITZER justifie ce besoin en expliquant que ces trois émotions sont les premières apparues au cinéma : la peur avec le train qui semble jaillir dans le public lorsqu'il arrive en gare de La Ciotat dans le film des Frères LUMIERE, le rire avec l'eau sortant du tuyau d'arrosage et éclaboussant l'arroseur dans L'Arroseur arrosé et enfin les larmes grâce, notamment, aux personnages féminins de GRIFFITH qui se placent en tant que victime. De plus, si ce cinéma traditionnel convient tant au public c'est parce qu'il permet aux spectateurs de s'identifier aux personnages et aux situations. Cette identification est importante pour les cinéastes souhaitant toucher leur public car elle permet aux spectateurs de s'oublier, de les toucher au plus profond d'eux-mêmes, et donc de les amener à réfléchir. Il semblerait que pour BONITZER, l'émotion passe avant tout suivant l'utilisation qui est faite d'un plan et notamment des plans visage. Il met l'accent sur le gros plan visage humain comme étant le lieu de la terreur ou des larmes. Ceci peut s'expliquer par les propos de DELACROIX qui dit que « la peau est une terrible dévoreuse de lumière » Tout gros plan donnerait donc un caractère vampirique et effrayant à un visage humain. De plus, le visage en gros plan a généralement pour fonction de mettre à nu les sentiments c'est pourquoi il semble normal que pour traiter des trois émotions communes BONITZER fasse appel à lui. Pour lui, le gros plan est lié à la notion d'obscénité, d'horreur et a un effet phobique qui agit sur l'inconscient du spectateur. Mais ce n'est pas systématique, l'œil du spectateur n'étant pas interpellé de la même façon par chaque réalisateur. Par exemple, pour EPSTEIN, le gros plan visage humain modifie le drame par l'impression de proximité : « La douleur est à portée de main, si j'étends le bras, je te touche intimité, je compte les cils de ta souffrance » EISENSTEIN utilise quant à lui le visage à des fins de pathétisation. Pour lui, il a une fonction symbolique et expressive, il est comme un révélateur. Enfin GRIFFITH, nous offre des personnages dont la forte tension mentale est suggérée par le gros plan. Montrer ces personnages fragiles et bafoués par la vie nous amènent à compatir. Tous ces gros plans visage humain, suivant la manière dont ils sont utilisés, transmettent des émotions que ce soit terreur, pitié, tristesse voire larme. Le film de David LYNCH, Elephant Man, est un film de visages et est considéré comme un des plus efficaces « tearkerkers », soit « tireur de larmes », du cinéma, c'est pourquoi j'ai souhaité le mettre en perspective avec la théorie de BONITZER. Dans ce film toute une machinerie est mise en œuvre pour réveiller nos sentiments. Dès le premier visionnage nous sommes absolument secoués par une multitude d'émotions contradictoires ou complémentaires. Nous allons donc observer l'utilisation et la signification de ces multiples gros plans visage humain dans le récit.
[...] Mise en perspective de la théorie du système des émotions de Pascal Bonitzer à partir du film Elephant Man de David LYNCH (1980) Pascal BONITZER définit le cinéma moderne comme étant un cinéma qui n'attirerait que peu de spectateurs car il se détache des émotions et rompt avec la narration. Le cinéma moderne a pour but d'inventer de nouveaux rapports entre les plans pour exprimer autre chose que les émotions communes. Donc en réalité, ce n'est pas que le cinéma moderne ne transmet plus d'émotions mais il en transmet de nouvelles, inconnues jusqu'à maintenant et qui frustrent le public qui n'est pas habitué. [...]
[...] Les yeux de la mère de John MERRICK Le ton est donc donné dès le début, c'est par un travail sur les regards et leur intensité que LYNCH fera passer les émotions. Puis, ce visage de photo disparaît dans un fondu laissant apparaître un visage réel cette fois. L'ingéniosité de LYNCH provient du fait qu'il arrive à retenir l'attention du public qui reste comme happé par les yeux de la première image ; puis celle-ci disparaît lentement pour laisser place à l'image suivante. Il n'y a donc aucune interruption dans la sensation ressentie par le spectateur. LYNCH zoom comme s'il désirait nous faire lire quelque chose dans ces yeux. [...]
[...] Nous pouvons donc constater que dans l'ensemble David LYNCH utilise le système des émotions de masses décrit par BONITZER afin de faire passer un message de tolérance, de faire réfléchir sur la notion de dignité humaine. Tous ces plans, qui s'imposent devant nous, nous rendent victime d'une violence psychologique qui stimule notre émotion, notre culpabilité tout au long du récit. Nous pouvons conclure en remarquant que bien qu'Elephant Man soit un film contemporain, de par son usage de "plan de réaction", Lynch ignore le code d'honneur implicite d'une certaine modernité qui s'interdit justement ces plans comme en appelant à une complicité salle/écran dont elle ne veut plus. [...]
[...] En effet, ici la peur provient du fait que quelque chose saute aux yeux, en l'occurrence il s'agit de l'image du visage de John MERRICK que l'on nous montre pour la première fois. Enfin, la théorie du système des émotions semble ne pas s'appliquer à la scène la plus riche en émotion de ce film : la scène de la gare. Poursuivit, l'homme-éléphant se réfugie dans les toilettes de celle-ci où il se retrouve coincé par la foule. Il hurle alors, des sanglots dans la voix : Je ne suis pas un éléphant ! Je ne suis pas un animal ! [...]
[...] De plus, le visage en gros plan a généralement pour fonction de mettre à nu les sentiments c'est pourquoi il semble normal que pour traiter des trois émotions communes BONITZER fasse appel à lui. Pour lui, le gros plan est lié à la notion d'obscénité, d'horreur et a un effet phobique qui agit sur l'inconscient du spectateur. Mais ce n'est pas systématique, l'œil du spectateur n'étant pas interpellé de la même façon par chaque réalisateur. Par exemple, pour EPSTEIN, le gros plan visage humain modifie le drame par l'impression de proximité : La douleur est à portée de main, si j'étends le bras, je te touche intimité, je compte les cils de ta souffrance EISENSTEIN utilise quant à lui le visage à des fins de pathétisation. [...]
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