Fritz Lang (1890-1976), un cinéaste d'origine juive, naquit en Autriche mais tourna l'intégralité de ses films en Allemagne et aux Etats-Unis, où il émigra en 1935. Travaillant dans une époque où le cinéma devenait un divertissement populaire et l'école expressionniste de l'Allemagne de Weimar était une des plus importantes de l'Europe , Lang définira le cinéma comme « une somme monstrueuse de travail, de passion et de volonté artistique ». En effet, son œuvre inclut toute une pléiade de films, qui lui ont apporté une renommée mondiale : le Metropolis (1927), M le Maudit (1931) ou encore Le Testament du Dr. Mabuse (1933). Un des premiers films de Lang, Metropolis est un chef-d'œuvre futuriste de la science-fiction, qui continuera à susciter au fil de temps des réactions très diverses et des critiques très nombreuses. Chaque génération expliqua Metropolis à sa propre manière – chose facile à faire pour un film qui se veut à dominante morale, dont l'histoire n'est pas toujours cohérente et qui n'est disponible que dans une forme découpée et lacunaire . Selon Lang lui-même, l'idée du filme lui est venu lors de son voyage à New York en 1924, mais ça sera sa femme, Thea von Harbou, qui écria le scenario du Metropolis.
Metropolis est donc une ville de futur, divisée entre partie supérieure de «maîtres » oisifs et décadents, et la partie inférieure, où travaillent, asservis par les machines, les milliers d'ouvriers. Le film raconte l'histoire de Freder, le fils du maître de Metropolis, Joh Fredersen, et l'habitant honorifique de la ville supérieure. Freder connaît une existence idyllique jusqu'au jour où il rencontre une « fille du peuple », Maria, dont il tombe amoureux. En la cherchant dans la ville inférieure, il prend la place d'un ouvrier et découvre que la ville supérieure n'existe que grâce à la masse ouvrière en esclavage. Maria, de son côté consciente des inégalités de la ville, organise les soirées secrètes dans les catacombes de Metropolis pour discuter avec les ouvriers de leur condition difficile. Elle leur raconte, qu'un jour, un médiateur viendra les délivrer de leur souffrance. Fredersen apprend toutefois qu'une révolte se prépare et demande au scientifique Rotwang de créer un sosie de Maria, qu'il pourra manipuler pour écraser la rébellion. Les ouvriers, menés ainsi par la fausse Maria, détruisent les machines et provoquent une inondation qui risque de tuer leurs enfants. Cependant, alors que le robot périt, Maria et Freder sauvent les enfants, faisant comprendre aux ouvriers l'affaire secrète de Fredersen. Freder deviendra donc le Médiateur entre son père et la masse ouvrière, pour rebâtir, ensemble, la cité.
[...] tout en restant une prémonition non-exclusive et ambiguë de plusieurs régimes totalitaires A. Une image de caractéristiques générales de la société totalitaire : de la monopolisation de l'information au contrôle total sur la société En effet, le film présente un grand nombre de caractéristiques générales d'un régime totalitaire[25]. Metropolis est un projet de la société nouvelle dans laquelle triomphe l'embrigadement de masses et qui prend une structure totalitaire classique. C'est une ville-état structurée, note Pascal BAUCHARD, comme une pyramide strictement hiérarchisée[26]. [...]
[...] ELSAESSER fait cette parallèle notamment en citant le discours d'un leader du mouvement syndical : L'industrie tend sa main à la main-d'œuvre Autre citation du film rappelle la camaraderie communiste : Maria, la fille du peuple dit aux enfants qui voient la beauté de la ville supérieure et de ses habitants, sont vos frères Même si Maria n'incite point les ouvriers à la révolution, on voit dans le film une critique assez marquante de la société capitaliste de Metropolis. Il semblerait que la séparation très nette de l'inférieur et du supérieur dans le film, et le contraste visible dès les premières secondes entre les ouvriers robotisés et le miracle des jardins éternels» pailletés, invoque la critique marxiste du capitalisme. La question de la révolution surgit donc tout de même (même si évoquée par la fausse Maria) rappelant la révolution d'octobre. [...]
[...] Cette technique de la violence légitimée est une technique courante du totalitarisme : il suffit de se rappeler des malédictions de Juifs évoquées par Hitler ou encore des ennemies du peuple qu'on retrouve chez Staline. B. Une présentation plurielle des totalitarismes européens : entre nazisme, fascisme et communisme Ainsi, en dressant les parallèles avec le film de Lang et le totalitarisme, il est difficile d'attribuer les analogies qu'on retrouve dans Metropolis à une idéologie particulière : il semblerait qu'on y voit des tendances aussi bien nazis, que fascistes ou communistes. [...]
[...] Une génération de films porteurs des angoisses collectives d'une Allemagne vaincue s'inscrira dans le mouvement expressionniste. Ce mouvement va se démarquer par l'utilisation de décors artificiels et de cadrages obliques, de personnages monstrueux et d'éclairages dramatiques, en plus des scénarios où le destin, la folie et la mort ont une place prédominante La symétrie géographique avec laquelle Lang compose ses foules, l'utilisation de nombreux schèmes d'éclairages dynamiques (la poursuite de Maria par Rotwang dans les catacombes par exemple) et les décors gigantesques qui écrasent les ouvriers de la grande cité sont autant d'indices qui permettent de déceler une influence expressionniste importante chez Lang. [...]
[...] Ce fonctionnement de Metropolis est indéniablement une caractéristique de l'État totalitaire, qui est un État de police. On y retrouve la société de surveillance hitlérienne aussi bien que stalinienne, avec des polices secrètes et un monopole sur l'information. De cette conception de la société nouvelle et de la monopolisation de l'information dérive une conception particulière de la terreur. Le système social instauré par Fredersen est contrôlé à travers de l'intimidation et de la terreur choses qu'on retrouve dans la scène de licenciement de Josaphat, son secrétaire. [...]
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