C'est un lieu commun que d'affirmer que le cinéma constitue un miroir de nos sociétés, mais on occulte souvent le fait qu'il contribue également à la construction de l'identité et des rapports sociaux de sexe. Les films fonctionnent comme un processus d'influence subliminale qui forge les perceptions collectives inconscientes notamment vis-à-vis des homosexuels. Cela concerne aussi bien l'image qu'ont les hétérosexuels des homosexuels que celle que possèdent ces derniers d'eux-mêmes.
Selon le documentaire The Celluloid closet (Epstein et Friedman, 2003) : « De rares images fuyantes [i.e. de l'homosexualité], mais inoubliables et qui ont laissé une marque indélébile. C'est Hollywood, ce grand créateur de mythes, qui a enseigné aux hétérosexuels ce qu'ils devaient penser de l'homosexualité et aux gais et lesbiennes ce qu'ils devaient penser d'eux-mêmes », notamment par un phénomène de transfert mimétique et la satisfaction d'un besoin de reconnaissance et d'appartenance. On pourrait donc considérer les films comme l'expression virtuelle de ce que certains ethnologues appellent « la maison des hommes », c'est-à-dire les lieux où les plus âgés initient les jeunes au « savoir être homme » et au code de conduite adéquat. C'est le moment où le garçon quitte la sphère des femmes et entre dans celle de l'homosociabilité . Celle-ci se traduit par des rites de passage, telles que des activités collectives (regarder des films pornographiques, d'horreur…) où il s'agit d'être au moins à la hauteur de ses homologues et prouver son courage en endurant la souffrance physique ou psychique impliquée par ce contexte de compétition permanente. Les plus jeunes intègrent par ce biais mimétique l'ensemble des attitudes et manières de pensée constituant leur « capital masculin », or la violence du processus de transmission que s'infligent les garçons eux-même se tourne dans un second temps vers ce dont ils veulent se distinguer : les femmes. Un basculement s'opère selon un principe suivant : « conjurer la peur en agressant l'autre, et jouir alors des bénéfices du pouvoir sur l'autre. » Les attributs supposés de la féminité (vulnérabilité, peur etc.) agissent comme un repoussoir pour les garçons et toute attitude de leur part assimilable à celle-ci est fortement stigmatisée par le groupe. Ce rejet correspond parfaitement à une partie de la définition que donne Daniel Welzer-Lang de l'homophobie, qui est selon lui « la discrimination envers les personnes qui montrent, ou à qui l'on prête, certaines qualités (ou défauts) attribuées à l'autre genre ».
Au-delà des attributs extérieurs auxquels s'attache l'homophobie, celle-ci constitue une «peur de l'homme chez l'homme », c'est-à-dire de l'altérité qui est en lui (« sa part de féminité » selon l'expression consacrée) aussi bien que de la similitude qu'il trouve chez une personne du sexe opposé (rejet des lesbiennes « butch ») ou encore des attributs qu'il n'apprécie que s'ils émanent du sexe auquel ils sont conventionnellement rattachés (qualités féminines uniquement chez les femmes). Ce dernier aspect tend à montrer que l'homophobie est intrinsèquement liée au sexisme et que paradoxalement être homosexuel n'empêche pas le sexisme comme nous le verrons dans l'avant-dernière partie. L'homosexualité bouleverse les rapports sociaux inter-genres (entre hommes, entre femmes) et extra-genres (entre hommes et femmes) en ajoutant au découpage biologique du genre celui de la préférence sexuelle (d'homme hétérosexuel à homme homosexuel, femme hétérosexuelle et femme homosexuelle, à plusieurs etc.)
[...] Le rapport sexualité individuelle/société devient davantage une question communautaire et même s'il est ne va pas jusqu'aux principes de droit collectif et de positive action en vigueur aux Etats-Unis, elle contribue à ce qu'une visibilité et par-là même une mobilisation de l'opinion publique. Retour au haut du document 2.1 .5) L'homosexualité adolescente : une quête identitaire considérée avec l'indulgence d'une expérience passagère. (Les Roseaux sauvages) Les Roseaux sauvages constituent sûrement l'exemple le plus éloquent de l'accueil et l'interprétation réservés aux films traitant de l'homosexualité à l'occasion du difficile passage de l'adolescence à l'âge adulte. [...]
[...] Qualité qui est implicitement assimilée en retour à son double macho dans le film, facilitant l'identification du spectateur à ce dernier. On rit bien de la folle et non pas avec elle, ce qui marque bien la limite au-delà de laquelle commence le cliché péjoratif. Contrairement au personnage de Zaza de La Cage aux folles (Molinaro, 1978), le spectateur ne peut se prendre d'affection pour le double gai de Belmondo courant comme un hystérique après son double straight Si la trilogie de La Cage aux folles ne parvient pas à éviter le piège de la caricature asexuée de l'éternel féminin elle selon de nombreux critiques, largement contribué à susciter une plus grande tolérance envers les homosexuels via l'aspect clownesque qu'elle leur confère. [...]
[...] Celle-ci lui fait également réaliser son attirance pour Henri (Frédéric Gorny), pieds-noir révolté proche de l'OAS. L'histoire de ce carré adolescent est largement autobiographique et vaut à André Téchiné les Césars du meilleur réalisateur et du meilleur film. Pour la première fois le cinéaste associe directement son image à celle d'un héros homosexuel sans pour autant tomber dans une dérive autofictionnelle Il ne suffit pas d'être gestionnaire de sa biographie[21] Cette dimension autobiographique est donc atténuée par une certaine distanciation (la caméra nous montre le point de vue de François en différé et l'angle de prise de vue est souvent en léger décalage), mais rend difficile l'identification avec le personnage gai s'inscrivant qui plus est dans une atmosphère dépaysante et dilettante d'un été des années 1960 dans la campagne française. [...]
[...] A l'heure de la mondialisation, il aurait en effet été intéressant d'étudier les points communs, les divergences et les répercussions qu'ont pu avoir des films étrangers (américains, espagnoles ) en France. Cependant, cette démarche aurait été trop ambitieuse pour ne pas risquer de se transformer sans catalogue, or mon intention était de privilégier la cohérence thématique à la logique chronologique ou géographique. De nombreux allées et retours dans le temps ont ainsi été faits, restreints à ses trente dernières années (c'est-à-dire depuis l'apparition du sida en raison de la plus grande visibilité et du nouveau regard qu'elle a suscité pour les homosexuels), afin d'illustrer les diverses facettes de l'imagerie cinématographique française de l'homosexualité au risque de rendre ardue l'analyse de leurs évolutions. [...]
[...] Le sujet de l'homoparentalité ou plutôt du fait d'être en couple homosexuel tout en étant père est pour la première fois abordé au milieu de cette surcharge émotionnelle. Le personnage de la folle suscite donc des réactions, oscillant entre des mécaniques apparemment contradictoires de distanciation par le rire et d'attrait par la sympathie, plus complexes qu'il n'y paraît de prime abord. La protection que nous apporte le rire suscité par la folle ne nous permet-elle pas finalement de nous en sentir d'autant plus proches ? [...]
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