Cette étude a pour objet le film Le chagrin et la pitié réalisé en 1969 par Marcel Ophuls en collaboration avec Alain de Sédouy et André Harris. Le thème principal abordé à travers l'étude de ce film sera celui de la mémoire. Le champ de la mémoire a beaucoup été investi par les historiens, le livre de Pierre Nora Les lieux de mémoire, constituant un évènement charnière de cet intérêt pour la question. Mais la mémoire a toujours été aussi, plus qu'un objet scientifique, un enjeu. On le voit aujourd'hui avec l'émergence de débats sur le souvenir de la colonisation et de l'esclavage. La mémoire est, dans un contexte d'effritement du modèle républicain, un moyen pour les minorités de revendiquer une certaine forme de reconnaissance, l'appartenance à un statut que l'Etat républicain se refuse à reconnaître parce qu'il se veut le garant d'une mémoire nationale unie et unitaire. C'est cette intrusion de la mémoire dans l'espace public qui m'a donné l'idée de travailler sur ce thème. Le sujet de Vichy comme période d'étude s'est imposé tant la construction du souvenir de cet évènement a constitué, dès l'après guerre un enjeu fondamental, en particulier pour le pouvoir gaulliste garant d'une mémoire officielle.
Le chagrin et la pitié est un objet culturel privilégié pour étudier la mémoire de Vichy en ce sens qu'il a participé à l'ébranlement d'une mémoire collective construite sur des mythes solidement ancrés. Il offre ainsi la possibilité de s'intéresser à l'histoire de Vichy mais également à l'histoire de la mémoire de cet évènement. Le film est une chronique de la vie à Clermont Ferrand durant l'Occupation, il analyse les comportements de différents acteurs, qu'ils soient pétainistes, collaborateurs, notables, résistants, de stature nationale ou locale. Le film se compose de deux parties : la première partie, l'Effondrement, ébauche la crise politique de la bourgeoisie française - sa désagrégation face à l'armée Allemande et la division de la France en deux, la zone occupée et la zone non occupée. La deuxième partie, Le choix, traite de l'opposition ou non au régime, de la désagrégation de ce régime et de sa défaite.
Nous travaillerons sur les liens entre le film et son époque. Le renversement de perspective sur l'histoire de Vichy qu'opère Marcel Ophuls pose la questions des conditions de possibilité de son film. Un tel film aurait-il pu naître dès les années d'après guerre ? Autrement dit le film est-il à tous égard tributaire de son époque ? Le film a-t-il fait évoluer les rapport que les français avaient avec leur passé ou bien ces rapports avaient-ils déjà évolués ?
Pour répondre à ces questions il faut aborder plusieurs aspects. Nous reviendrons dans un premier temps sur la manière dont le film à contribué à détruire différents mythes mais aussi, dans la mesure ou il se conforme à des partis pris idéologiques, à en construire d'autres. Nous verrons ensuite que ces partis pris ont fait l'objet de nombreuses critiques dont il faudra montrer qu'elles émanent toute de la génération qui a vécu sous l'Occupation. Enfin il sera nécessaire de mettre le film en parallèle avec les productions cinématographiques, littéraires et historiographiques de l'époque pour montrer dans quelle mesure ce film fait figure d'exception.
[...] Le film est une chronique de la vie à Clermont Ferrand durant l'Occupation, il analyse les comportements de différents acteurs, qu'ils soient pétainistes, collaborateurs, notables, résistants, de stature nationale ou locale. Le film se compose de deux parties : la première partie, l'Effondrement, ébauche la crise politique de la bourgeoisie française - sa désagrégation face à l'armée Allemande et la division de la France en deux, la zone occupée et la zone non occupée. La deuxième partie, Le choix, traite de l'opposition ou non au régime, de la désagrégation de ce régime et de sa défaite. Nous travaillerons sur les liens entre le film et son époque. [...]
[...] Il faut toutefois se demander si le film aurait eu un tel retentissement à une époque où personne ne voulait encore entendre parler de français collaborateurs et préféraient s'en remettre à l'image rassurante des mythologies résistancialistes. On peut donc affirmer que concernant l'impact qu'il a eu dans les mentalités, le film de Marcel Ophuls est tributaire de son époque. Il suffit pour s'en persuader de comparer le peu de spectateurs qui a vu le film ( personnes avant sa programmation en 1981) avec l'énorme impact qu'il a eu dans la conscience collective Bibliographie CONAN E., ROUSSO H. [...]
[...] Par ailleurs, le film a ouvert la voie à de nombreuses entreprises de mise en lumière de l'antisémitisme français pendant l'Occupation parmi lesquels on peut citer le livre de Robert Paxton et Michael Marrus Vichy et les juifs, l'œuvre de la documentation juive contemporaine ou encore celle de Serge Klarsfeld. Une France unanime dans la collaboration, l'autre mythe Le film s'attache donc à détruire le mythe résistancialiste construit sur l'exorcisme, de Vichy, l'histoire édifiante de la résistance et l'oubli de l'antisémitisme français. Mais il s'appui aussi sur un certain nombre de partis pris idéologiques qui, s'ils sont parfois justifiables constituent aussi des mythes. En éclairant les dimensions éludées par le mythe résistancialiste, le film assombrit du même coup ce qui était surexposé. [...]
[...] Le chagrin et la pitié, une œuvre fondatrice ? La production cinématographique des années 60 Le but des auteurs quand ils réalisent le film est de tourner le dos aux grandes reconstitutions épiques des années 60 qui diffusent une image héroïque de la France dans l'Occupation en utilisant les archives, qui seules peuvent selon eux restituer la vérité historiques. André Harris déclare ainsi dans une interview : C'était une époque où nous étions agacés, les uns et les autres, par l'aspect linéaire et totalement irréel des émissions et des films historiques, par cette conception qui consiste à accrocher l'Histoire sur le mur avec un clou, en conviant les gens à la regarder. [...]
[...] Le chagrin et la pitié voit le jour en 1969 après neuf mois de travail et cinquante-cinq heures de témoignages enregistrés. C'est à ce moment là que commence le combat entre les auteurs et l'ORTF. Le film est d'abord diffusé en Allemagne, en Suisse, en Hollande et aux Etats-Unis. Mais en France l'ORTF refuse de le diffuser, la chaîne va en effet pratiquer pendant dix ans ce qu'Ophuls appellera la censure par inertie en refusant d'acquérir les droits de diffusion. [...]
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