Espoir, désespoir, Pasolini, cinéma, Italie, rôle de l'intellectuel, télévision, question du pouvoir
La question de l'espoir et du désespoir est au cœur de l'œuvre de Pasolini, mais on aurait tort de la traiter trop hâtivement. Un homme vivant, un homme « infini » saurait-il être d'un bloc à l'égard d'une question aussi fondamentale ? Bien sûr, la parabole apocalyptique de Salò ou la traversée du chantier de démolition de Pétrole laisse deviner un Pasolini dénué de tout espoir d'agir sur le monde. Mais n'est-ce pas toujours la fin qui compte ? Dans les images ultimes du tout dernier film du réalisateur Pasolini, un couple de jeunes miliciens esquisse un pas de danse sur une ritournelle mélancolique, annonçant l'éternel retour du désir de vivre. L'avocat du procès de la Ricotta présente au Tribunal un texte d'autodéfense dans lequel Pasolini exprime on ne peut plus clairement sa croyance dans une palingénésie de la condition humaine, une foi singulière et assez proche des visions bouddhistes qui détonne au cœur d'une œuvre d'apparence pessimiste, comme une leçon d'énergie implacable qui aurait le dernier mort sur la prépondérance du malheur : « Rien ne meurt jamais dans une vie. Tout survit. Nous ensemble, nous vivons et survivons. C'est ainsi que toute culture est toujours tissée de survivance […] Ce sont des éléments historiquement morts, mais humainement vivants qui nous composent. »
[...] En pratique, c'est un film sur le rapport entre idéologie et réalité. Faire des films, jeter toute sa force vitale dans des œuvres qui tenteront de réveiller les consciences endormies de l'Italie et du monde : Pier Paolo Pasolini a beau se dire pessimiste et désespéré, le voilà encore virevoltant de projet en projet, désespéré, sans espoir sur l'avenir de la société italienne, mais cherchant à faire ce qu'il peut pour que les choses changent. Il ne croit plus en grand-chose, sinon, de manière profonde, que nos actes laissent de toute façon une trace, qu'un acte posé est un acte posé, qu'il en reste forcément quelque chose même s'il est difficile de savoir pour quoi en deux mots, on le pose. [...]
[...] Pier Paolo fait donc un procès au Palais. Il faut ici entendre le terme Palais comme le lieu du Pouvoir, comme Pouvoir en tant que tel. C'est dans le Palais noble que sont enfermés les auteurs des tortures de Salò. Chose étrange quand on connaît le cours des événements en Italie dans les années qui allaient suivre, il n'y a qu'un seul homme que Pier Paolo sauve : Aldo Moro. Le poète disait de lui : Aldo Moro, c'est-à-dire celui qui apparaît comme le moins impliqué de tous dans les actes horribles organisés de 1969 à aujourd'hui dans le but, jusqu'à présent formellement atteint, de conserver à tout prix le pouvoir. [...]
[...] C'est l'histoire d'un roi mage napolitain, Eduardo De Filippo, qui, à certains moments, suit une comète : une comète apparaît au-dessus de Naples Bé Une comète tu imagines les Napolitains, non qui annonce la naissance du Messie. Eduardo De Filippo est un roi mage qui part de Naples et suit cette comète, qui est le symbole de l'idéologie. Comme toutes les idéologies, elle est en partie fausse, en partie erronée, en partie abstraite, en partie concrète, bref, c'est une idéologie comme une autre. [...]
[...] Je parle surtout de l'Italie des jeunes. Bien entendu, ce genre de déclaration fait scandale. Il s'y attendait. On l'insulte, on le traite de fou, on transforme ses paroles, on les simplifie, on les trahit. On l'accuse de vouloir empêcher que l'on apprenne, de vouloir créer des ghettos culturels, de vouloir revenir à la société agreste. Alors il lui faut reprendre les explications pour qu'au moins, on entende son propos. Il ne s'agit pas d'abolir l'école et la télévision. Je n'ai rien contre l'école et la télévision en tant qu'instruments. [...]
[...] Pourquoi est-ce que je veux le pouvoir ? Parce qu'on m'a dit que c'est une vertu de le vouloir. J'exerce mon droit-vertu. Je suis un assassin et je suis bon. A présent, dans Scritti corsari, Garzanti, Milan Gidéon Bachmann, La perdita della realità e il cinema inintegrabile (interview), in L. de Giusti (sous la direction Pier Paolo Pasolini. Il cinema in forma di poesia, Pordemone L'article des Lucioles, dans le Corriere della Sera, 1er janvier 1975. Corriere della Sera, 24/7/75. [...]
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