Scream, dénouement imminent : notes de pianos suspendues, en attente, la musique d'Halloween égrène sa complainte dans le téléviseur de Sidney. Scream accueille Halloween dans son salon ; les deux compères du slasher partagent leur histoire. Dewey, le policier campé par David Arquette, avance angoissé dans une maison désertée, emplie d'une ambiance sonore antérieure, celle du film de Carpenter. La progression de l'acteur épouse le rythme musical, jusqu'au « myckeymousing » soulignant la fusion/confusion des deux films. Dewey braque son arme sur le téléviseur, rencontre Jamie Lee Curtis au moment où Michael Myers la surprend : deux époques, deux corps, réunis dans un même plan. Double représentation pour une « re-présentation ». Ce qui fait peur, ce n'est pas tant ce qui est représenté que ce qui se re-présente démontre Craven : « l'épouvantable, c'est le familier » dira-t-il. Or le familier est bien l'élément suffisamment répété et trop connu : Halloween, film vu et revu, vieillissant, moqué par ses contemplateurs refait soudainement peur, rejoue la peur, la re-présente. Les personnages de Scream connaissent les pièges de l'horreur et s'y engouffrent, réitérant ce qu'ils voulaient éviter. De ce fait, il est intéressant de voir comment le slasher movie joue moins sur la représentation de l'horreur (à savoir la figuration, monstration, visibilité du tueur et du massacre à l'œuvre) que sur sa re-présentation, la redite, l'engrenage d'une répétition à l'origine de la peur, tant dans Scream que dans Halloween où les gamins visionnent aussi un film d'horreur d'un autre temps, « The Thing ».
Ainsi chemine cette analyse : Halloween et Scream souffrent tous deux d'un défaut de représentation. Ils cachent davantage qu'ils n'exposent. C'est dans le noir, « les jointures » que tout se joue, coup de couteau assené au vide des images. L'imaginaire spectatoriel y engouffre son scénario catastrophe, celui qu'il connaît par cœur ; l'inévitable arrivée du tueur, cette « familière » arrivée dont il répètera le sursaut attendu : épouvantable familiarité de la peur, épouvantable re-présentation de l'horreur que ce soit au niveau des images ou de son scénario.
[...] Dewey, le policier campé par David Arquette, avance angoissé dans une maison désertée, emplie d'une ambiance sonore antérieure, celle du film de Carpenter. La progression de l'acteur épouse le rythme musical, jusqu'au myckeymousing soulignant la fusion/confusion des deux films. Dewey braque son arme sur le téléviseur, rencontre Jamie Lee Curtis au moment où Michael Myers la surprend : deux époques, deux corps, réunis dans un même plan. Double représentation pour une re-présentation Ce qui fait peur, ce n'est pas tant ce qui est représenté que ce qui se re-présente démontre Craven : l'épouvantable, c'est le familier dira-t-il. [...]
[...] L'intrusion de Jamie Lee Curtis dans l'écran télévisuel de Sidney en est un témoignage formel et scénaristique. Sidney va revivre les mêmes horreurs que l'actrice vingt ans plus tôt. On n'échappe pas au destin du film d'horreur : être poursuivi, supprimé ou sauvé, le serial killer réitère un seul geste : hanter les lieux du souvenir et organiser le massacre des corps. Il survit toujours aux victimes survivantes et emporte avec lui l'histoire qui le constitue, d'où ces suites infinies où les acteurs (sauf l'héroïne pour le coup vieillissante), les lieux, le temps, ont changé, jamais son tortionnaire. [...]
[...] En évitant le pire, Loomis l'a accomplie. Grâce aux tirs du docteur, Michael a pu s'enfuir. La nuit d'Halloween promet d'autres nuits d'Halloween La même nuit d'Halloween. Tel est l'engrenage construit par le film d'horreur : s'échapper pour mieux retomber sur ses pieds. Dans les Cahiers du cinéma, Serge Grunberg conclura son article sur Wes Craven Le film d'horreur est un conte de fées en disant : les films de Wes Craven sont un ailleurs très familier où l'on s'échappe uniquement pour en réchapper Ce mouvement d'une échappée trompée par une nouvelle échappée peut s'apparenter au trajet mortifère emprunté par les victimes poursuivies avant de tomber littéralement dans la gueule du loup. [...]
[...] Sans visage, il n'y a pas de protocole de reconnaissance possible fera remarquer Jean-Baptiste Thoret. Prenons le masque de Scream : Reprise du cri de Munch, il s'inscrit dans une forme expressionniste où il s'agit de faire abstraction de toute représentation. En Allemagne, au début du XXe siècle, ce mouvement pictural balbutiant et porté par des artistes tels Van Gogh, Ensor ou Munch, l'expressionnisme, en réaction à l'impressionnisme déclinant, revendique ceci : Plus de distance, de représentation, mais au contraire une évidence, une dénonciation d'autant plus forte que les moyens employés sont plus brutaux et simples, plus violents et primitifs. [...]
[...] Car rien n'est dangereux comme une machine qui ne va nulle part : tous les chemins lui sont par définition ouverts écrit Clément Rosset dans Le réel, Traité de l'idiotie. Pourtant, ces voies ouvertes se referment sur nos propres images. Dans la face déguisée de l'autre, support de projection, il y a nos propres images et spéculations représentatives. L'épouvantable, c'est le familier En enfermant nos doutes et nos images à l'intérieur d'un déguisement facial, le tueur nous ressemble, air de famille mortifère, volte-face déroutante, peur de l'autre côtoie peur de soi. [...]
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