Décor, costumes et accessoires dans "Fenêtre sur Cour" d´Alfred Hitchcock

Résumé du document

Le film d'Alfred Hitchcock "Fenêtre sur Cour" est adapté d'une nouvelle de l'écrivain américain Comell Woolrich originellement intitulée "It had to be a murder". Il est déjà révélateur qu'au choix du titre, le cinéaste et son scénariste ne retiennent pas le thème du meurtre, pour finalement se concentrer sur un simple élément du décor de l'histoire, la fenêtre. Ainsi choisissent-ils Rear Window, expression anglaise quelque peu péjorative pour désigner une fenêtre qui donne littéralement sur "l'arrière ", "derrière". Dans le titre même, Hitchcock attire donc notre attention sur le décor, qui dans ce film ne saurait jouer un rôle accessoire...

Il confère par là même un statut particulier à ce qui peut paraître souvent secondaire dans un film, les objets, qu'ils relèvent des décors, costumes ou accessoires. La déclaration d'Hitchcock à la presse de 1953 souligne l'intérêt du décor monumental de Fenêtre sur cour dans l'histoire d'Hollywood: "L'action de Rear Window se déroule dans l'appartement de James Stewart, à Greenwich Village. Mais pour qu'il puisse observer ses voisins, nous avons dû construire un décor abritant les trente appartements qu'il découvre de sa fenêtre. Ce décor unique se révéla être un des plus grands jamais élaborés à la Paramount."

Extraits

[...] Fenêtre sur Cour est ainsi porteur d'une intéressante thématique météorologique et temporelle, fondée sur un temps cyclique, qui ne tourne pas dans le bon sens, et qui renvoie à une pathologie chez les personnages: nuit et jour sont confondus par l'insomnie de Jeff, Mrs Lonelyhearts vie dans l'angoisse du temps qui passe (elle a peur de se retrouver vieille fille) . Ajoutons à cela un cadre temporel étonnamment trouble malgré l'omniprésence des objets donnant l'heure: on ne sait pas toujours à quel moment de la journée nous nous trouvons La cosma-logique Fenêtre sur Cour met en place un véritable univers, un petit monde en soi : la cour: c'est un microcosme complet, un tout petit monde sous nos fenêtres, avec les humains, les végétaux, les animaux . le décor est clos en apparence, mais c'est microcosme dans un macrocosme. [...]

[...] ) et pourquoi exactement le gouvernement américain engage Ingrid Bergman Notorious. ndlr), mais on se souvient d'un sac à main ( . d'un verre de lait, ( . ) d'une partition de musique, d'un trousseau de clés. Parce qu'avec eux Alfred Hitchcock réussit là où échouèrent Alexandre, Jules César, Napoléon: PRENDRE LE CONTROLE DU MONDE. On comprend mieux à présent pourquoi Hitchcock a eu raison de ne pas choisir pour titre it had to be a murder : c'est qu'il fallait que ce fût une fenêtre. [...]

[...] Le clin d'œil est évident: le rôle de John est tenu par James Stewart, à nouveau détective. la corniche: la position de Jeff accroché au rebord de la fenêtre les pieds dans le vide trouve un écho au tout début de Vertigo avec John la robe verte de Lisa se retrouve sur Kim Novak, toujours dans Vertigo. le verre de lait à côté du sandwich de Jeff n'est pas sans évoquer celui, célébrissime, de Spellbound (Soupçons, antérieur). la corde accessoire du crime : Rope (La Corde, antérieur). [...]

[...] Si les objets, choses sans âme, relèvent traditionnellement de la contingence, comment Hitchcock leur donne-t-il vie en les insérant dans une complexe logique d'ensemble ? Le cinéaste, par le grand intérêt qu'il porte aux objets inanimés, est un des rares à pouvoir se targuer de répondre positivement à la célèbre interrogation de Victor Hugo: Objets, avez-vous une âme ? Nous essaierons de cerner quelques enjeux de cette logique hitchcockienne qui bannit presque toujours l'effet de réel (Barthes) et donne aux différents objets le rôle de véritables personnages de l'histoire: Plan 1 - LA LOGIQUE 1. [...]

[...] Lieux et objets sont donc au centre de la logique policière hitchcockienne. Le genre policier, il est vrai, est par nature intimement lié à l'objet, l'enquête partant de l'arme du crime ou y aboutissant. Les costumes sont moins utiles à l'intrigue policière, on peut toutefois évoquer les robes de Lisa (Grace Kelly) qui répondent à une composante topique du polar, la femme fatale, séductrice devant l'éternel La météoro-logique A travers les divers objets se lit le motif du temps météorologique. [...]