L'habillement, chez Lubitsch, a toujours tenu une place particulière. Ses
origines n'y sont peut-être pas pour rien. En effet, Ernst a grandi dans un magasin de
vêtements masculins tenu par son père. Il se formait l'esprit en critiquant la coupe des
habits. Il menait d'ailleurs une double vie : le jour il travaillait à la boutique et le soir,
il était sur les planches. Et nous pouvons le revoir encore dans ses dix-huit bandes
comiques, tenant le rôle d'un vendeur de tissus.
Dans ses autres films, le costume tient toujours un rôle soit narratif soit
symbolique : la robe de Ninotchka l'avantage dans sa conversation avec la duchesse,
dans La veuve joyeuse, les vêtements sont, au départ, noirs( vêtements, voiles,...) puis
tout change avec l'humeur de la princesse, les costumes deviennent blancs.
Dans To be or not to be, l'habillement prend une place encore plus particulière
et importante dans l'intrigue de par le redoublement fictionnel de la représentation.
Celle-ci devient l'objet même du récit fictionnel. Dans leur article "Deux fictions de la
haine", Jean-Louis Comolli et François Géré font un parallèle entre le film de Lang,
Hangmen Also Die! et celui du réalisateur berlinois. Pour eux, la connivence entre les
deux fictions tient à ce qu'elles opposent, toutes deux, à la machine nazie, une
machination. La résistance s'effectue alors à travers des stratagèmes, des pièges " dont
la forme et la fonction sont celles du leurre." La machination fabrique du simulacre, de l'imitation perverse. Et quel est le moyen privilégié du leurre si ce n'est le costume
et le travestissement? Tout le film tourne en effet autour du costume.
Le titre "To be or not to be" représente les thématiques : "être ou ne pas être
résistant", "être ou ne pas être un grand acteur" mais surtout " être ou ne pas être ce
qu'on semble être". Le film est construit sur cette dichotomie entre identité et
apparence. C'est dans cette thématique que s'intègre la question du costume. Il
procède en effet de la réalité( historique), de la fiction mais aussi de la représentation
dans la fiction- de par sa relation aux acteurs-.
Il sera donc intéressant d'étudier les rapports qu'entretient le costume avec la réalité,
fiction et représentation mais aussi comment il lie ou sépare ces trois niveaux de
réalité. Ce qui semble en jeu, c'est beaucoup plus que la fonction du costume mais à
travers la fonction même du spectacle et du cinéma.
Il s'agira donc de voir comment le costume procède de la réalité, pour l'intégrer dans
la fiction, faire triompher la représentation et en fin de compte comment il transforme
cette réalité.
[...] Il lui faut un support, en l'occurrence le costume, pour entrer dans son personnage et mettre de côté ce qu'elle est vraiment, pour occulter la réalité pendant sa scène. Cela renvoie au besoin de Joseph Tura d'être rassuré par sa femme. Il a besoin que sa vie privée soit mise de côté pour bien jouer sa "grande" scène. Maria lui dit ce qu'il veut entendre- qu'elle ne connaît pas l'expéditeur des fleurs ou qu'elle ne s'est pas servi de sa tirade pour faire venir son amant. [...]
[...] Il est un support qui permet tout d'abord de faire la distinction entre jeu et réalité et ce qu'il leur permet d'entrer vraiment dans la peau du personnage. Ainsi Maria Tura ne peut embrasser son mari et son amant de peur d'enlever son maquillage. Il semble que la fonction du costume est aussi de cacher la véritable personnalité. Les acteurs auraient besoin de ce costume pour pouvoir interpréter un rôle. Ils ne peuvent mélanger leur réalité au personnage. Ainsi, quand Maria Tura rencontre le professeur Siletski, elle lui demande de changer de vêtement. Pour quelles raisons? [...]
[...] Ce qui semble en jeu, c'est beaucoup plus que la fonction du costume mais à travers la fonction même du spectacle et du cinéma. Il s'agira donc de voir comment le costume procède de la réalité, pour l'intégrer dans la fiction, faire triompher la représentation et en fin de compte comment il transforme cette réalité. To be or not to be entretient une relation de duplicité avec son référent historique : soumission et défi. Le film prend appui comme nous le verrons dans cette partie sur les éléments historiques référents et s'en garantit pour les perdre en cours de route. [...]
[...] Le costume permet alors d'assurer une certaine continuité entre représentation et réalité diégétique. De même que la robe de Maria Tura permet de faire entre le théâtre dans la réalité fictionnel, les vêtements du Professeur Siletski assurent la transition entre réalité et représentation. Sur le professeur, le complet fait partie de la réalité mais, une fois celui-ci mort, il devient élément de représentation et de la pièce jouée, par l'acteur. Avec le costume, Joseph Tura reprend le personnage et ces attitudes. [...]
[...] La résistance s'effectue alors à travers des stratagèmes, des pièges " dont la forme et la fonction sont celles du leurre."2 La machination fabrique du simulacre James Shelley Hamilton, in The national Board of Review Magazine, mars 1942 Jean-Louis Comolli et François Géré : " Deux fictions de la haine : To be or not to Cahiers du 1 de l'imitation perverse. Et quel est le moyen privilégié du leurre si ce n'est le costume et le travestissement? Tout le film tourne en effet autour du costume. [...]
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