Cinéma, politique et société

Résumé du document

Rêvons un peu de ces cinémas disséminés dans les rues, de ces cinéastes hommes et femmes pour qui lutte, combat, engagement, survie, classe, point de vue, révolution, utopie se façonnent en autant de films et d'actes militants. Songeons au bouleversement que ces derniers produisent, au geste impatient de liberté, à la confirmation que l'on trouve en eux de notre propre existence.

68. Un collectif du cinéma militant- le groupe Dziga Vertov- la pensée Mao Tsé Toung- la politique qui se fond dans l'art… Jean-Henry Roger, co-réalisateur de British Sounds avec Godard, déclare : « Toute invention du contenu politique passe nécessairement par la réinvention de la forme sans que celle-ci soit un instrument de domination ». Il ne s'agit plus seulement de faire des films politiques mais de tourner politiquement des films. Le cinéma devient alors un acte politique en soi. L'image se fait slogan. La forme induit un discours et une nouvelle esthétique naît. Aliénatrice ou libératrice ?

Extraits

[...] Le cinéma devient alors un acte politique en soi. L'image se fait slogan. La forme induit un discours et une nouvelle esthétique naît. Aliénatrice ou libératrice ? Tout est politique La phrase est lancée par Godard au détour d'une interview. Art de l'instant, de l'éternel renouveau, le cinéma est politique au-delà de son contenu. L'art cinématographique crée une communion, il réunit la foule dans l'obscurité d'une salle de projection pour une expérience individuelle et collective déclinée en vingt-quatre images/seconde. Le cinéma s'adresse à la masse en évoquant le peuple. [...]

[...] L'improvisation, le filmage à hauteur d'œil, le faible rôle expressif de l'éclairage donnent au récit une nécessité plus biologique que dramatique. Le point de vue abstrait sur la réalité du plan est remplacé par le fragment de réalité brute du fait. La réinvention de l'image est donc indispensable à l'expression de la réalité et à l'invention du contenu politique. Le montage produit un discours et l'image devient slogan. Revendiquant l'artifice de la représentation, Resnais joue totalement sur cette capacité du montage à évoquer sa propre vérité. [...]

[...] ? Nous finirons sur ces mots de Maïakovski : Pour vous, le cinéma est un spectacle. Pour moi, il est presque une conception du monde. Le cinéma est le véhicule du mouvement. Le cinéma est le novateur des littératures. Le cinéma est le destructeur de l'esthétique. Le cinéma est intrépidité. Le cinéma est un sportif. Le cinéma est diffuseur d'idées. Mais le cinéma est malade. [...]

[...] Son mot d'ordre : avoir une politique de la forme pour insérer un fond politique. Godard supprime les raccords au noir et les fondus enchaînés. Dès Le Petit soldat, il passe par de longs panoramiques filés et prolonge ses recherches sur la postsynchronisation en jouant la carte du journal intime en voix intérieure. Puis il cultive toutes sortes d'audaces : le hiatus entre la bande image et la bande son qui dans certain cas permet de détruire le faux synchronisme d'une réalité trop rassurante, la pratique des questions posées sur le vif par un système d'écouteurs miniaturisés, l'utilisation des collages visuels ou sonores, la technique de la bande dessinée, les intertitres et les cartons, la division en tableaux, le remplacement du champ contrechamp, le regard-caméra dans le but de s'adresser directement au spectateur, etc. [...]

[...] Le cinéma agira alors sur un être distancié, non en le divertissant -car l'on tomberait dans l'aliénation mercantile du film comme objet de consommation- mais en lui faisant prendre conscience par l'agencement de la forme d'une réalité politique. Le cinéma peut alors devenir révolutionnaire. Il y a au cinéma des œuvres révoltées et révoltantes, celles pour lesquelles le rapport du fond et de la forme est autre de l'habituel et des films qui aident à la révolution. On revient toujours donc au problème de savoir s'il est possible de faire se redoubler une révolution formelle et une idéologie révolutionnaire. La rencontre et l'union entre l'avant-garde politique et les avant-gardes artistiques sont-elles possibles . [...]