La modernité telle qu'on la définit en cinéma s'établit après la seconde guerre mondiale, avec l'expérience du néo-réalisme en Italie puis des nouvelles vagues. C'est là que la notion d'auteur fait son apparition. Le cinéma « moderne » s'oppose au cinéma « classique » dans le sens où il accorde davantage d'importance aux signifiants qu'aux signifiés, et plus généralement davantage d'importance à son énonciation, qu'à son énoncé. Philippe Dubois, dans l'article, « Jean-Luc Godard : le cinéma », renforce cette idée et l'analyse sous un angle particulier en développant l'idée que « le cinéma moderne, c'est dans tous les sens du terme, un cinéma du plan. » Dubois oppose alors « dramaturgie classique » et « scénographie moderniste », « metteur en scène » et « auteur », « mise en scène » et « écriture » afin de montrer que les cinéastes modernes sont dans un refus du système théâtral, et travaillent sur les matériaux et les spécificités du cinéma, ce que nous analyserons dans un premier temps. Dubois rappelle ensuite que le réel fait l'objet d'une approche ontologique dans le cinéma moderne, et que « ces étincelles de réel qui viennent éclabousser la pellicule, lui donnent sa part de vérité », ce qui conduit le cinéaste à sacraliser le tournage, « il est hanté par l'idée du filmage, de la trace à garder […] [et fait] en sorte que chaque plan, est et reste une aventure. » Nous verrons donc dans un second temps comment les modernes tentent de capter le réel et de révéler sa vérité. Dans le dernier temps de la citation, Dubois pose la modernité sous le patronage paradoxal du cinéma primitif et de la cinéphilie classique. « Quelque chose du cinéma primitif imprègne ainsi ce cinéma moderne : un certain goût de l'expérience, un certain sens de l'innocence, mais eux-mêmes traversés par un savoir et un désir de cinéma classique : la cinéphilie, la citation, le fétichisme des pères. » Il s'agira de voir dans notre troisième partie comment s'articule la recherche expérimentale avec la relecture du cinéma des pères, et en quoi « le cinéma moderne [est] en somme comme tressage d'innocence et de savoir, de rigueur et d'incertitude, de radicalité brute et de culture subtile. »
[...] Le rêve de Belmondo d'aller en Italie et de se réfugier derrière la frontière, ou la femme qui trahit son amant renvoient aux problématiques des films noirs des années cinquante de R.Walsh, J. Lewis, Melville. Le Mépris quant à lui, se présente comme un monument funéraire élevé à la gloire du cinéma classique. L'acteur Jack Palance joue le rôle d'un producteur hollywoodien tel qu'on le retrouve chez Mankiewicz ou Aldrich, et apparaît comme un fossoyeur du cinéma, en adéquation avec les rôles de méchant qu'il endosse dans les péplums et films historiques. [...]
[...] Enthousiasme C. La capture du réel III. Paradoxe entre l'attitude du primitif et la relecture du cinéma des pères : 1 Cinéphilie et métalangage A. [...]
[...] Laisser une place au hasard, à l'accident, se mettre en position d'accueillir le réel - on le voit, quelque chose du cinéma primitif imprègne le cinéma moderne : un certain goût pour l'expérience, un certain sens de l'innocence Mais ce goût pour l'expérimentation est [lui- même traversé] par un savoir et un désir de cinéma classique : la cinéphilie, la citation, le fétichisme des pères. Les jeunes cinéastes de la Nouvelle Vague ont grandi dans la cinéphilie. Héritiers de Bazin, critiques aux Cahiers du Cinéma, ils fondent la politique des auteurs et font redécouvrir Renoir, Hitchcock, Hawks Animateurs de ciné-clubs, aux côtés d'H. Langlois qui fonde la Cinémathèque, leur culture cinématographique est immense. [...]
[...] A un moment, Boris se baisse pour lacer sa chaussure, la caméra suit son propre mouvement évacuant le personnage du cadre, qui y entre de nouveau quelques instants plus tard, en courant pour rattraper la caméra. Ainsi, les cinéastes de la modernité travaillent sur la matérialité du cinéma, et du plan en particulier. La caméra, loin de faire exister les lieux et les personnages, affirme son autonomie et sa propre existence. Pour les modernes en effet, le filmage est sacralisé, parce qu'il permet de saisir le réel, à travers l'accident ou le hasard. [...]
[...] Truffaut confie ainsi au magazine Arts qu'”il faut être follement ambitieux, follement sincère, pour que l'enthousiasme des prises de vue se communique à la projection et qu'il gagne le public”. Bresson conceptualise cette recherche de réalité, et met en place un dispositif qui permet au hasard, au réel de surgir et d'imprimer le film. Il écrit ainsi dans ses Notes sur le cinématographe que tourner, c'est aller à une rencontre celle du réel, qui surgit tel un éclair de vérité, dans l'inattendu du tournage. [...]
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