A la fin des années 60, naît aux Etats-Unis un mouvement cinématographique qui va bouleverser le paysage du cinéma de ce pays. Il se nomme le Nouvel Hollywood et est porté par une génération de jeunes cinéastes s'affranchissant des règles du Vieil Hollywood et réinventant le cinéma américain. Il est généralement admis que ce mouvement dure jusqu'au passage des années 70 aux années 80. Son émergence est facilitée par une série de facteurs intervenus de façon quasi simultanée, telles que l'apparition de nouvelles techniques, les changements des conditions économiques de production ou encore la montée en puissance de la contre-culture portée par un jeunesse américaine de plus en plus rebelle contre l'ordre établi (opposition fondamentale à la culture et à l'idéologie dominante). Le Nouvel Hollywood suit de quelques années les nouvelles vagues apparues dans le cinéma européen la fin des années 50, portée par une jeunesse irrespectueuse des codes et des hiérarchies. C'est en France que le phénomène trouve son nom et son expression la plus achevée. La Nouvelle Vague y apparaît vers 1958 et bouleverse, selon Michel Marie , le paysage cinématographique français et étranger en seulement quatre à cinq années.
Nous pouvons alors nous demander en quoi le cinéma américain des années 70, dit « Le Nouvel Hollywood », est-il le résultat des influences croisées de la nouvelle vague européenne, et de l'émergence de la contre-culture comme phénomène social aux Etats-Unis ? Afin de répondre à cette question, nous placerons notre étude dans le champ de l'histoire culturelle. Rappelons tout d'abord, comme le fait Philippe Poirrier, que le cinéma à une place récente dans cette discipline car il a longtemps été méprisé « au nom d'un élitisme culturel que partageait la grande majorité des historiens français » . Nous nous souviendrons également qu'un chercheur en histoire culturelle, comme le rappelle Pascal Ory, doit respecter une obligation de neutralité, de situation, de distinction et de temporalité. Il convient également de percer les déterminations dont les objets étudiés sont les résultats : qu'elles soient techniques, politiques, économiques ou culturelles. Pour Ory, il n'y a donc « pas de culture, rien que des preuves de culture » que l'ont peut interpréter en fonction des déterminations (qui ne sont pas à sens unique) qui la concerne.
Nous étudierons, dans un premier temps, les facteurs de production (les personnalités, hiérarchie, réseaux), la conjecture économique de l'époque de l'apparition du phénomène, et l'appartenance des protagonistes à une culture donnée. Nous verrons ainsi que le Nouvel Hollywood se caractérise par un bouleversement des conditions de production et de diffusion. A l'image de la Nouvelle Vague, une nouvelle génération prend le pouvoir et réclame le statut d'artiste. Les hiérarchies sont bouleversées et les productions indépendantes sont de plus en plus fréquentes. Ce qui correspond également à l'esprit de rejet de l'ordre établi et de l'art officiel, que porte la contre-culture.
Dans un deuxième temps, nous verrons que l'évolution de la technique entraîne aussi d'importants changements dans la conception des films. Car comme le rappelle Pascal Ory, le cinéma évolue aussi en parallèle aux modifications techniques. Nous verrons donc que, à l'image de la Nouvelle Vague, le Nouvel Hollywood se caractérise par un bouleversement des techniques de tournage, des structures narratives, et par l'apparition d'acteurs non-professionnels.
Dans un troisième temps, nous tiendrons compte des imaginaires sociaux (les images structurantes, les codes en usage), des idéologies et des mythologies (qui en disent sur l'image qu'une société à d'elle-même et de ses hommes). Nous verrons ainsi que le Nouvel Hollywood s'inspire du réalisme porté par la Nouvelle Vague, ose aborder de nouveaux thèmes contestataires et porte un regard lucide sur la société contemporaine.
Enfin, nous conclurons ce dossier par une étude de cas, consacrée à l'un des premiers films du Nouvel Hollywood, si ce n'est LE premier : Bonnie & Clyde (1967, Arthur Penn).
[...] En effet, celui-ci réunit beaucoup de caractéristiques propres au cinéma du Nouvel Hollywood, que ce soit par son mode de production, par la structure du film lui-même, ou par les thèmes abordés. Le scénario de Bonnie & Clyde est écrit par Robert Benton et David Newman, deux scénaristes fascinés par la Nouvelle Vague. Ils souhaitent que le film soit réalisé par François Truffaut qu'ils vénèrent depuis Les Quatre Cents Coups. Celui-ci accepte dans un premier temps, mais se voit contraint d'abandonner par manque de temps. [...]
[...] Le Nouvel Hollywood libère donc le cinéma américain du culte des vedettes, comme l'avait fait la Nouvelle Vague dans le cinéma français quelques années plus tôt. III. Rébellion dans le fond : réalisme, nouveaux thèmes et nouvelles mythologies A. Un réalisme très présent Le Nouvel Hollywood s'inspire du réalisme des films du Vieux Continent. Comme le rappelle Biskind, c'était une époque où la plupart des scénaristes étaient béats d'admiration devant les réalisateurs de la Nouvelle Vague française Ils se rebellent contre le cinéma classique des grandes fresques, le cinéma qui fait rêver à grand renfort d'étoiles et de paillettes, et où tout finit toujours bien. [...]
[...] Son émergence est facilitée par une série de facteurs intervenus de façon quasi simultanée, tels que l'apparition de nouvelles techniques, les changements des conditions économiques de production ou encore la montée en puissance de la contre- culture portée par une jeunesse américaine de plus en plus rebelle contre l'ordre établi (opposition fondamentale à la culture et à l'idéologie dominante). Le Nouvel Hollywood suit de quelques années les nouvelles vagues apparues dans le cinéma européen la fin des années 50, portée par une jeunesse irrespectueuse des codes et des hiérarchies. [...]
[...] Les méchants, eux, sont incarnés par les représentants de l'ordre et de l'autorité (les shérifs, les parents). Comme le dit Benton, l'un des scénaristes, la Nouvelle Vague française nous autorisait à élaborer un film d'une moralité plus complexe, à créer des personnages plus ambigus, aux relations plus compliquées que la production américaine de l'époque Ainsi, une certaine distance exclut tout jugement moral sur les deux personnages centraux. De plus, la sexualité n'est plus taboue. Le film sous-entend un ménage à trois avec C.W. [...]
[...] Une école artistique, Paris, Armand Colin, coll nouvelle présentation POIRRIER Philippe, Les enjeux de l'histoire culturelle, Paris, Editions du Seuil, coll. Points Histoire p.159. ORY Pascal, L'histoire culturelle, Paris, Presses Universitaires de France, Que sais-je 2ème édition mise à jour p.77. Selon Pascal Ory : une interprétation du monde se présentant comme cohérente et générale en d'autres termes comme unifiée et unificatrice op. cit., p.106. BISKIND Peter, Le nouvel Hollywood. Coppola, Lucas, Scorsese, Spielberg la révolution d'une génération, Paris, Le Cherche Midi, coll. Documents, trad. [...]
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